DECLARATION DE PIERRE‐ALAIN MUET, DEPUTE DU RHONE, MEMBRE DE LA
COMMISSION DES FINANCES
Le constat lucide de la Cour des comptes est sans appel. La crise n’explique qu’un tiers du déficit actuel. Celui‐ci, qui représente 7,5 % du PIB, ne résulte qu’à hauteur de 1,5 % de la conjoncture et de 1 % des mesures du plan de relance.
Les 5 % restants constituent un déficit structurel, accumulé avant la crise.
Contrairement à d’autres pays européens, la France présentait déjà en 2008 un fort déficit qui bien entendu n’a pu que se creuser avec la crise. Le rapport de la Cour nous apprend qu’un point de déficit structurel supplémentaire entre 2008 et 2009 s’explique à hauteur de 0,6 point par des baisses de prélèvements et pour le reste par des dépenses supplémentaires.
Si notre pays se retrouve dans la situation qui est la sienne aujourd’hui, c’est non seulement parce que les récents gouvernements n’ont pas su réduire les déficits en période de croissance mais les ont aussi laissés dériver ensuite en sus des effets propres de la crise.
La comparaison avec l’Allemagne est particulièrement éclairante : en 2004‐2005, celle‐ci présentait comme la France un déficit excessif.
Elle l’a ramené à zéro avant la crise et ne l’a pas laissé s’aggraver ensuite, autrement que du seul fait de la crise. Et en 2009, il ne représentait que 3,3 % de son PIB. Comme l’indique la Cour dans son rapport, alors que la récession a été moindre en France que dans les autres pays de la zone euro, l’augmentation du déficit y a été identique.
Et ce n’est pas le plan de relance qui peut l’expliquer car il n’a pas été de plus grande ampleur chez nous – il a même été légèrement plus faible. La hausse du déficit observée en France n’a été dépassée que dans les États les plus affectés par la crise, comme l’Irlande ou l’Espagne.
Un déficit primaire passant de 0,5 % à 5 % du PIB, cela ne s’était jamais vu ! C’est dire que notre pays finance aujourd’hui par l’emprunt non seulement les intérêts de sa dette mais aussi une bonne partie de ses dépenses courantes, en tout cas la moitié des dépenses du budget général de l’État.
Ce n’est pas tenable ! Le Gouvernement a beau jeu de tenir des discours sur la rigueur et les mesures futures à prendre pour maîtriser les déficits. Le bilan de ce qui a été fait depuis quelques années est accablant.
Le rapport de la Cour permet aussi de couper court aux allégations selon lesquelles les collectivités locales seraient mal gérées. En effet, elles seules sont parvenues à réduire leur déficit en 2009, le ramenant de 0,4 % à 0,3 % sachant en outre qu’elles ne peuvent financer par l’emprunt que leurs investissements.
Selon la Cour, le déficit devrait représenter 7 % du PIB en 2011 et encore plus de 6 % en 2013.
À cet horizon, la dette atteindrait, selon elle, 2 000 milliards d’euros, 1 800 milliards seulement selon le Gouvernement.
Même dans l’hypothèse la plus optimiste, la dette de la France aura donc doublé en dix ans.
En effet, à l’été 2002, elle était inférieure à 900 milliards d’euros.
À l’avenir, le service de la dette représentera à lui seul 3,8 points de PIB soit davantage que le déficit des retraites !
La politique conduite ces dix dernières années a vraiment été irresponsable.
Dans le programme de stabilité que le Gouvernement a adressé à Bruxelles, il fait l’hypothèse d’une croissance annuelle de 2,5 % sur la période 2011‐2013.
Or, tous les organismes internationaux sont beaucoup moins optimistes : la Commission européenne ne prévoit que 1,5 % et le FMI 1,8 %.
Il est donc particulièrement imprudent de fonder des prévisions de réduction du déficit sur des hypothèses aussi peu réalistes.
Il faut d’ailleurs remarquer que les prévisions du Gouvernement varient selon la perspective dans laquelle il se place.
Lorsqu’il s’agit de réduire les déficits, il anticipe que tous les effets de la crise vont être immédiatement annulés et n’hésite pas à retenir des hypothèses particulièrement optimistes, voire irréalistes.
Mais lorsqu’il s’agit des déficits des régimes de retraite, c’est alors le pessimisme qui est de mise avec des prévisions de croissance ne dépassant pas 1,5 % ou 1,8 %.
Or, avec une croissance annuelle de 2 % seulement, inférieure donc à celle retenue par le Gouvernement pour le court terme, une bonne part du déficit des retraites serait résorbée.
Il est faux de laisser accroire que le produit des prélèvements obligatoires augmentera de deux points de PIB en 2013 grâce à une élasticité des recettes à la croissance de 2 en 2010 et de 1,2 les années suivantes. Une telle élasticité n’a jamais été constatée par le passé.
Une telle augmentation du produit ne pourra donc être obtenue que par une hausse du taux des
prélèvements obligatoires.
Puisque j’ai entendu invoquer le courage pour s’attaquer aux niches fiscales, il en est une à laquelle il faudrait s’intéresser tout particulièrement.
C’est la niche dite « Copé », dont le coût, évalué à 4,3 milliards d’euros en 2008, passerait à 12,5 milliards, d’après le rapport.
Si l’on cherche des économies, il en est que l’on peut faire sans problème…
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