vendredi 7 septembre 2012


Marisol Touraine : "L'hôpital ne doit pas être guidé par la seule logique comptable"

Marisol Touraine, la ministre de la santé (ici, à La Rochelle, le 25 août 2012) confie dans un entretien accordé au journal Le Monde : "L'hôpital public repose sur l'excellence et la solidarité, c'est ce qui fait sa grandeur".
Marisol Touraine, la ministre de la santé (ici, à La Rochelle, le 25 août 2012) confie dans un entretien accordé au journal Le Monde : "L'hôpital public repose sur l'excellence et la solidarité, c'est ce qui fait sa grandeur". | REUTERS/STEPHANE MAHE

Entretien. La ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, présente, vendredi 7 septembre, un "pacte de confiance pour l'hôpital". Elle annonce une modification du financement de l'hôpital et la fin de la convergence tarifaire public-privé.

L'hôpital public est en crise. Quel diagnostic portez-vous ?

L'hôpital est le symbole de tout ce à quoi les Français sont attachés dans notre système de santé. Dans un environnement marqué par un contexte économique et budgétaire difficile, nous devons maintenir ce facteur de cohésion sociale et démocratique. L'hôpital public repose sur l'excellence et la solidarité, c'est ce qui fait sa grandeur. Il repose aussi sur l'engagement pour le service public de tous ceux qui y travaillent. Ce modèle a souffert et c'est pour cela que je veux engager aujourd'hui un pacte de confiance avec l'hôpital, afin de préparer son renouveau.

Tarification à l'activité en 2004, loi Hôpital patients santé territoires (HPST) en 2009, réduction des déficits hospitaliers, l'ancienne majorité a profondément bouleversé le paysage hospitalier. Reviendrez-vous en arrière ?
Je ne veux pas revenir en arrière, renouer avec un "âge d'or" qui serait révolu, car nous devons tenir compte des défis d'aujourd'hui, notamment économiques, sociaux ou sanitaires. Par exemple, le vieillissement de la population et la part croissante de pathologies chroniques, alors que le système hospitalier a été conçu pour l'aigu. Ces défis, la droite y a répondu en exerçant une pression sur le monde hospitalier et en mettant en cause la logique qui structurait l'hôpital.
La loi HPST a cristallisé cette remise en question du service public hospitalier – le terme n'y figurait même pas – en développant l'idée que l'hôpital devait être géré comme une entreprise privée, qu'il fallait mettre l'accent sur la seule productivité. Elle a nié la spécificité de l'hôpital public, en rompant l'équilibre entre le rôle des soignants et celui de la direction. Nous devons y remédier.

Allez-vous abroger la loi Hôpital patients santé territoires patients (HPST) ?
Nous n'allons pas abroger la loi HPST, qui a permis la création des agences régionales de santé (ARS), par exemple, mais procéder à certaines modifications assez fondamentales. La notion de service public hospitalier sera traduite concrètement dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2013 : les établissements publics assument toutes les missions de service public – l'écrasante majorité des pathologies graves et des patients en situation de précarité y sont pris en charge.
Dans la loi figurera aussi une redéfinition des mécanismes de tarification, favorisant le financement des missions de service public. Je mettrai également fin à la convergence tarifaire entre le public et le privé, qui poussait l'hôpital à une logique de rentabilité trop exacerbée.

Maintenez-vous l'objectif de zéro déficit budgétaire qu'avait fixé aux hôpitaux M. Sarkozy ?
Faire du déficit n'est pas un objectif en soi et il faut s'assurer de l'utilité et de l'efficacité des dépenses de santé. Mais de quoi parle-t-on ? Nous devons partir des besoins et ne pas être guidés par la seule logique comptable. Je souhaite engager la dépense dans le sens d'une meilleure prise en charge des patients, avec des hospitalisations moins longues, un renforcement du rôle de la médecine de proximité et des soins à domicile.
Nous avons augmenté l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (Ondam) pour 2013, qui sera en hausse de 2,7 %, soit un effort accru de 4,6 milliards d'euros que le gouvernement a décidé par rapport à 2011.

Finalement, vous gardez la tarification à l'activité et les points principaux de la loi HPST... Votre politique ne s'inscrit-elle pas dans la continuité de la droite ?
Au contraire, nous nous différencions de la majorité précédente par des priorités et des principes très différents. Là où la droite voulait imposer la convergence tarifaire entre privé et public, nous mettons fin à ce principe et réintroduisons la notion de service public.
Là où la droite ne concevait la santé que comme une dépense, nous affirmons qu'elle est un investissement d'avenir. Là où la droite laissait s'aggraver les dépassements d'honoraires et augmenter les déserts médicaux, nous mettons en place une politique garantissant à chacun d'être soigné, quelles que soient ses ressources, et d'accéder à des soins d'urgence en moins de trente minutes, comme s'y est engagé François Hollande.
C'est dans cette logique que j'ai demandé à Edouard Couty, ancien directeur de l'hospitalisation et des soins, de mener pendant trois mois une concertation avec tous les acteurs du monde hospitalier. Service public hospitalier, organisation interne de l'hôpital, gouvernance, dialogue social, ressources humaines : tous ces sujets seront traités. Il me rendra son rapport à la fin de l'année. Puis je présenterai une loi d'accès aux soins, avec comme ligne directrice l'égalité de tous devant la santé et la coordination entre l'hôpital, la médecine de ville et le secteur médico-social.

Allez-vous poursuivre la fermeture des petits blocs opératoires ?
La priorité est de répondre aux besoins de proximité et de sécurité. Ce dernier objectif est un impératif auquel je ne dérogerai pas. Il s'agit de mieux répondre aux besoins des Français. Aujourd'hui, certaines hospitalisations ne sont pas nécessaires ou trop longues, et c'est pour cela que je veux revaloriser la médecine de proximité. Je vais généraliser, en lien avec les ARS, de nouvelles structures, comme des maisons pluridisciplinaires, qui favorisent la coordination entre professionnels et permettent d'améliorer les parcours de soins.

Vous avez affirmé que "l'hôpital ne connaîtra pas de réduction d'effectifs". Tous les départs à la retraite seront-ils remplacés ?
L'augmentation du budget de l'assurance-maladie en 2013 permettra aux hôpitaux de faire face à leurs besoins dans de bonnes conditions.

Comment allez-vous régler la question des dépassements d'honoraires ?
Il est nécessaire de faire cesser les abus et cette spirale inflationniste par des sanctions claires et fermes. L'objectif est que chacun puisse consulter un médecin à un tarif raisonnable. Chacun doit faire preuve de responsabilité. J'ai confiance dans la négociation menée actuellement entre l'assurance-maladie, les syndicats de médecins et les complémentaires de santé. Mais si elle échoue ou ne va pas assez loin, je proposerai un encadrement strict des dépassements d'honoraires par la loi.
Je ferai preuve de fermeté, car ce qui est en jeu, c'est que notre modèle solidaire reste accepté et réponde aux besoins de tous, des classes moyennes comme des catégories populaires. Nous n'accepterons pas des dérives qui conduiraient à un éclatement du système.

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