samedi 26 novembre 2011

Sarkozy fait de la politique-fission

Dans un discours aux accents de campagne, vendredi sur le site du Tricastin, le Président a attaqué la ligne de François Hollande sur le désengagement du nucléaire.


La guerre nucléaire française a donc commencé. Nicolas Sarkozy avait débuté son quinquennat avec l’image d’un farouche défenseur du nucléaire, mais capable de se faire l’avocat du développement des énergies renouvelables. Il le finit dans le costume du nucléocrate. Vendredi matin, devant les employés d’EDF et d’Areva du site du Tricastin dans la Drôme, le futur candidat de la majorité n’a pas fait dans la dentelle. Avec en ligne de mire, mais sans jamais le citer, son futur adversaire, François Hollande. Pour décrédibiliser le compromis signé la semaine dernière entre le PS et Europe Ecologie - les Verts, le chef de l’Etat n’a reculé devant rien. Ni la mauvaise foi ni les slogans éculés des défenseurs de l’atome. Puisque, à l’en croire, il en va de «l’intérêt supérieur du pays» et de la «souveraineté nationale».

«Moyen Age». Cela faisait quelques jours déjà que l’entourage du Président laissait entendre que ce déplacement au Tricastin serait «important». Comprendre : très politique. Au nom d’un «consensus vieux de plus de soixante-cinq ans», Sarkozy a, une nouvelle fois, mobilisé la mémoire nucléaire de ses prédécesseurs, de De Gaulle à Mitterrand. Pour mieux tacler son rival socialiste : «On reconnaît un homme d’Etat à sa capacité à se hisser au-dessus des intérêts partisans.» Ce vendredi, il y avait comme un problème entre le costume (du Président) et les gestes (du candidat). Comme si le deuxième était à l’étroit dans la veste du premier. Ce n’est pas un hasard si Sarkozy a attendu la fin de son allocution pour s’affranchir de son discours écrit et a lancé : «Il n’est pas le temps de revenir à l’époque du Moyen Age.» Ni «de retourner à celui de la bougie». Et de se poser la fausse question censée résumer son allocution : «Devons-nous être le seul pays à tourner le dos au progrès ?»

Même si François Hollande s’était prononcé en faveur d’une sortie du nucléaire, cela ne ferait pas pour autant de la France «le seul pays à tourner le dos au progrès». L’Allemagne, le modèle qui inspire tant la majorité, l’a décidé. Le Japon, autre pays très nucléarisé, y réfléchit aussi. Vendredi, Sarkozy a fait comme si Hollande ne s’était pas opposé à ses alliés écologistes pour justement laisser l’option nucléaire ouverte, en refusant de stopper le chantier de l’EPR de Flamanville, dans la Manche. «Il s’agit bien de préparer, purement et simplement, une sortie de cette filière», a asséné le chef de l’Etat. Et d’ajouter : «Comment considérer autrement la proposition de fermer 24 réacteurs [sur 58, ndlr] et de s’interdire d’en construire de nouveaux ?»

Pour le Président, sortir du nucléaire conduirait inévitablement à la catastrophe. «Des trésors d’intelligence et de recherches accumulés depuis sept décennies […] inéluctablement perdus.»«Une remise en cause de notre industrie», avec une vague de «délocalisation» pour les entreprises, grandes consommatrices d’électricité. «Un cataclysme» pour les emplois de la filière. «Un coup très dur au pouvoir d’achat des Français.» Et de défendre nos paysages, qu’il ne laissera pas défigurer par «l’implantation de 300 000 éoliennes». Un mot à mot des députés de droite (ils étaient nombreux) allergiques à l’idée du Grenelle de l’environnement, pourtant mis en avant et en œuvre dès 2007 par Nicolas Sarkozy lui-même.

Il a rappelé que le développement des énergies renouvelables était là pour «conforter durablement notre filière nucléaire». «Ceux qui promettent le remplacement du nucléaire par des énergies renouvelables mentent aux Français», a-t-il osé. Sarkozy a-t-il oublié qu’il s’est engagé au nom de la France à faire porter la part de l’électricité produite à base d’énergies renouvelables, de 15% aujourd’hui, à 27% d’ici 2020 ? Même si la France devait atteindre le seuil de 50% d’électricité d’origine nucléaire (contre 75% aujourd’hui), comme le souhaite Hollande, elle resterait l’un des pays les plus nucléarisés du monde.

Tsunami. Fidèle à son habitude, Sarkozy a donc parlé comme si l’atome était une industrie comme les autres. Et pleine d’avenir. Il a certes mentionné qu’il n’y aura pas de «compromis» en matière de sûreté. Et d’annoncer que le gouvernement suivra «intégralement» les recommandations de l’Autorité de sûreté nucléaire en la matière. Mais il continue à professer que la catastrophe de Fukushima n’était pas un «accident nucléaire», mais celle d’un tsunami. Il continue à passer sous silence la question pourtant sans réponse des déchets. Et celle du défi (technologique et financier) du démantèlement. Sarkozy n’a pas non plus évoqué le chantier de l’EPR de Flamanville, devenu un gouffre financier, ni les menaces de suppression de milliers d’emplois chez Areva, du fait du gel de nombreux projets à l’étranger. Ce vendredi, le Président n’a pas fait un discours sur la politique énergétique française. Il a fait de la politique.

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