L'UMP et Sarkozy contre la Sécurité sociale
La campagne contre l’assistanat lancée par l’UMP et le président Sarkozy prend un tour inquiétant, pour ne pas dire scandaleux.
Bien sûr, tout cela est mené au nom de la lutte contre la fraude, fort légitime au demeurant : ceux qui trichent avec la Sécurité sociale violent la loi en s’appropriant indûment l’argent des autres assurés. Mais, par le choix des mots et l’insistance des accusations, il s’agit manifestement d’une campagne plus générale. L’un des tracts distribués massivement par l’UMP en donne la clé. Voici ce qu’on y lit : "Oui, au travail, non à l’assistanat".
En apparence, la formulation est banale : il vaut mieux, en effet, travailler que vivre de prestations sociales. Mais à bien y réfléchir, que veut-on dire, aussi ? Que ceux qui travaillent sont dans le droit chemin et que ceux qui sont au chômage sont des assistés. Ni plus ni moins. Les chômeurs qui se lamentent tous les jours de ne pas trouver de travail – et qui forment l’immense majorité des bénéficiaires des allocations - apprécieront.
Une juste contrepartie
Mais surtout ce syllogisme méprisant rompt purement et simplement avec la philosophie de l’Etat-providence adoptée depuis la Libération (et même avant). L’existence des allocations de chômage, tout comme le remboursement des frais médicaux ou encore les prestations de retraite, ne sont en rien le produit de la charité publique. Ce sont des assurances. Si les chômeurs touchent des indemnités, c’est qu’ils ont versé chaque mois et chaque année, pendant des décennies pour beaucoup d’entre eux, des cotisations sociales. Les prestations de l’assurance chômage, autrement dit, sont la juste contrepartie de l’effort contributif qu’ils ont consenti dès qu’ils ont commencé à travailler. Elles compensent le sinistre social que constitue la perte d’emploi.
Aurait-on l’idée de qualifier d’assistés ceux qui sont remboursés d’un sinistre par leur assurance ? Ce serait nier la notion même d’assurance. Si vous cotisez, dit implicitement l’UMP, c’est normal. Mais si vous touchez en retour des prestations, vous êtes des assistés. Volontairement ou non, la droite française remet en cause le principe même de la Sécurité sociale - une assurance collective gérée par les partenaires sociaux - telle qu’elle a été conçue à la Libération. L’étape suivante, logiquement, c’est la réduction des prestations, ou encore la privatisation progressive de la Sécu, par des moyens plus ou moins détournés. Dans le débat présidentiel qui s’ouvre, il vaut mieux le savoir.
Laurent Joffrin – Le Nouvel Observateur
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