vendredi 19 mars 2010

Revue de presse (suite)




Bertrand, le bobard qui valait 7 milliards

DESINTOX

Depuis le début de la campagne, le secrétaire général de l'UMP dénonce l'augmentation des impôts dans les régions socialistes. Il assène un chiffre choc... et toc


«Chaque année, c’est 7milliards d’euros d’impôts de plus que les régions gérées par le parti socialiste ont décidé d’augmenter.»

Xavier Bertrand sur TF1, le 11mars

INTOX A défaut de rigueur, Xavier Bertrand sait faire preuve de constance. Le secrétaire général de l’UMP aura passé toute la campagne des régionales à asséner un chiffre faux. Le 19 novembre, il donne le ton en présentant le Livre noir des régions socialistes, une compilation de chiffres censée dénoncer la folie fiscale des régions de gauche. Le pamphlet s’articule autour d’un chiffre choc, cité en préambule : depuis 2004, les régions socialistes ont augmenté les impôts de 6,5 milliards d’euros par an. Depuis, ce chiffre a été répété des dizaines de fois par Xavier Bertrand. On l’a encore entendu hier matin sur France Inter. Jeudi dernier sur TF1, Bertrand a même arrondi le chiffre à la hausse : «Chaque année, c’est 7 milliards d’euros d’impôts de plus que les régions gérées par le parti socialiste ont décidé d’augmenter.»

DESINTOX Il est aisé de retrouver l’origine du chiffre de Bertrand. Il s’agit de la différence entre les recettes fiscales des régions en 2004 (4,7 milliards d’euros) et leur montant en 2009 (un peu plus de 11,3 milliards). Notons d’emblée qu’il ne s’agit donc pas d’une augmentation «chaque année», comme le dit Bertrand - ce qui correspondrait à une augmentation de 42 milliards d’euros sur la mandature -, mais sur six ans, ce qui est très différent. Mais ce n’est pas tout.

L’autre gros mensonge du secrétaire général de l’UMP est de faire croire que la croissance de 6,5 (ou 7) milliards d'euros des recettes fiscales régionales depuis 2004 est la conséquence des seules hausses d’impôts votées dans les conseils régionaux. Ce qui est faux, comme on peut le calculer en se penchant sur les évolutions fiscales de la dernière mandature.

Depuis 2004, les régions ont d’abord augmenté les taux des trois impôts directs sur lesquels elles avaient la main : il s’agit de la taxe professionnelle, la taxe foncière sur le bâti et la taxe foncière sur le non-bâti. En cinq ans, les taux de ces taxes ont crû de 36% en moyenne. Le produit de ces trois impôts a progressé de 3,2 à 5 milliards d’euros, soit 1,8 milliard de recettes fiscales supplémentaires pour l’ensemble des régions.

La plupart d’entre elles ont également augmenté la taxe sur les cartes grises. Son produit a augmenté de 500 millions d’euros en six ans (de 1,5 à 2 milliards d’euros). Enfin, les conseils régionaux ont joué sur un dernier levier fiscal : depuis 2007, ils ont la possibilité de moduler à la hausse (dans la limite d’un plafond fixé par l’Etat) la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) sur les carburants. A l’exception de Poitou-Charentes, la totalité des régions (Alsace y compris) ont fait jouer cette hausse, atteignant le maximum autorisé. L’Association des régions de France (ARF) estime qu’en 2009, les recettes afférentes à cette modulation ont représenté 800 millions d’euros. Si l’on additionne toutes les recettes fiscales supplémentaires «décidées» par les présidents des conseils régionaux, on arrive à environ 3,1 milliards d’euros depuis 2004. Ce qui est très loin des 7 milliards de Bertrand.

En fait, pour arriver à son chiffre, ce dernier triche en ajoutant dans son calcul les recettes fiscales que l’Etat a affecté aux régions depuis 2004. La loi du 13 août 2004 sur les libertés et responsabilités des collectivités locales a transféré de nouvelles compétences aux régions (formation, inventaire régional, et surtout les dizaines de milliers de TOS - personnels techniciens, ouvriers et de services des lycées). Comme la loi l’y oblige, l’Etat a compensé le surcoût en faisant le choix de verser aux régions une partie du produit de la TIPP qu’il perçoit. Mais à la différence de la part modulable de la TIPP, qui s’apparente à un impôt régional, il ne s’agit pas d’une nouvelle prérogative fiscale des régions : ces dernières se voient affecter une recette fiscale dont le montant est fixé par le gouvernement, en compensation des charges transférées. Comme l’explique François Bouchard, directeur général des services de la région Alsace (UMP) : «Cette TIPP, dite "garantie", n’a rien à voir avec de la fiscalité locale. L’Etat doit de l’argent aux régions et décide de les payer avec la TIPP. Les régions n’ont pas la moindre marge de manœuvre sur cette opération.» En 2009, cette TIPP garantie représentait 3 milliards d’euros. Un montant qui apparaît dans les comptes des régions comme des recettes fiscales, mais qui en réalité s’apparente à «une dotation de l’Etat», explique François Bouchard. Ce qui n’empêche pas Bertrand de les comptabiliser comme des «impôts supplémentaires décidés[par les régions]». Conclusion : sur les 6,5 milliards de recettes fiscales régionales supplémentaires en 2009 par rapport à 2004, la moitié n’a rien à voir avec les décisions des régions.

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