Lettre ouverte à Eric Revel, Patron de LCI

Je viens de prendre connaissance de la lettre ouverte que vous avez adressée à Ségolène Royal, suite à son discours à Dakar. Je suis choqué à double titre par vos propos. D’abord par la forme, puis par le fond.

Par la forme donc. 

Qu’un patron de chaîne ait des convictions politiques n’est pas en soi un problème. Mais qu’il exprime ses convictions sur le blog officiel de sa chaîne et de façon aussi caricaturale ne relève plus du champ de la liberté d’expression mais tombe pour le coup dans celui de la basse propagande. N’avez-vous pas déjà assez de mots flatteurs à l’égard du pouvoir à longueur de jou

rnaux et de magazines pour ne pas rajouter à cela une tribune digne des écrits magiques de Frédéric Lefebvre ? Ne pensez-vous pas qu’il y a assez d’aboyeurs et autres porte-flingues qui usent tant d’énergie à justifier l’injustifiable qu’il faille rajouter votre voix à la leur ? Comment pouvez-vous prétendre à l’indépendance de votre chaîne, à son impartialité, à sa liberté de ton et pondre un texte aussi partisan et orienté ? Votre démarche serait-elle la dernière étape vers laBerlusconisation complète d’une classe médiatique prête à tous les excès de zèle pour bien se faire voir du monarque républicain ? 

Par le fond

 ensuite.

« L’homme africain n'est pas encore entré dans l'Histoire » avait dit Nicolas Sarkozy, dont on ne doute pas qu’il restera, lui, dans l’histoire comme plus mauvais Président de la V^e République. Il avait provoqué à l’époque une immense vague d’indignation au Sénégal comme en France. Ce matin, deux de ces ministres sont revenus sur ces propos, Bernard Kouchner reconnaissant que « cette phrase était sans doute maladroite » et Rama Yade rajoutant « qu’il y avait eu des malentendus sur le fond autour de ce discours». 

Les plus éminents historiens ont pointé l’énorme contresens que portait cette phrase en elle. Comment prétendre que l’homme africain n’est pas encore entré dans l’Histoire quand l’ancêtre de celui-ci a débarqué le fusil à la main sur les plages de Provence et d’Italie pour redonner à la 

France sa liberté perdue ? Comment oublier la figure de Nelson Mandela en Afrique du Sud, le combat d’Amílcar Cabral en Guinée, l’action de Patrice Lumumba au Congo ? Comment nier l’extraordinaire influence depuis la nuit des temps de la culture africaine dans la marche du monde ? Comment nier aussi, ses pages sombres mais qui font partie aussi de l’Histoire, comme le terrible génocide au Rwanda ou l’interminable conflit au Darfour ?

Oui, Ségolène Royal a raison.

Oui, elle est revenue avec force sur cette histoire que vos amis politiques continuent à écrire sous le sceau invraisemblable et scandaleux de la Francafrique et que Ségolène Royal voudrait écrire dans le respect mutuel entre la France et ses amis africains. Oui, vous, porte-parole le temps d’une tribune d’un pouvoir que vous avez contribué à faire élire, n’avez plus assez d’arguments pour critiquer celle qui au fond continue à vous faire peur. Parce qu’au-delà des remarques du microcosme parisien, ce qui vous dérange c’est que là-bas, au Sénégal, ce discours a été salué par l’ensemble des observateurs. La ferveur de l’accueil réservé à Ségolène Royal dans la patrie de sa naissance contraste avec le climat délétère qui avait accompagné la visite du Président Sarkozy il y a deux ans. Ça, ce ne sont pas des mots d’éditorialistes…ce sont des faits et c’est bien cela qui vous dérange.

Amine El Khatmi.

Collaborateur du Président du Conseil général de l’Allier

Militant PS à Moulins