vendredi 11 mai 2012


Pour un choc européen de croissance

 Par HENRI WEBER député européen, secrétaire national adjoint du PS à la mondialisation.



«Il ne suffit pas de sauter sur sa chaise tel un cabri en bêlant "croissance, croissance, croissance !"», nous disent les dirigeants de l’UMP, paraphrasant le général de Gaulle, «encore faut-il indiquer les moyens de la faire advenir». Exhortation légitime, à laquelle les socialistes répondent avec précision.
Pour retrouver la croissance en Europe, selon eux, il faut en premier lieu mettre effectivement en œuvre les politiques communes, élaborées par la Commission européenne et approuvées par le Parlement, qui dorment aujourd’hui dans les tiroirs, faute de volonté politique et donc de moyens.
Je pense par exemple à l’Europe de l’Energie, chère à Jacques Delors. Chaque année, les Européens déboursent 400 milliards d’euros pour payer leur pétrole et leur gaz. Cette facture peut et doit être considérablement réduite. Une «feuille de route» existe - Energie 2050 - pour assurer notre indépendance énergétique et accélérer notre transition vers une économie sobre en carbone.
Elle préconise d’investir massivement dans les énergies renouvelables qui sont aussi les énergies de l’avenir: énergies éolienne et photovoltaïque, qu’il ne faut en aucun cas abandonner à l’hégémonie chinoise; énergies marine, hydraulique et géothermique.
La Commission recommande simultanément d’investir dans les économies d'énergie. Le «Plan européen pour l’efficacité énergétique» propose de rénover chaque année 3% des bâtiments publics, pour assurer leur isolation thermique et leur autosuffisance énergétique; de développer les «réseaux intelligents» qui réduisent la consommation d'énergie en limitant les gaspillages; de promouvoir les véhicules électriques et hybrides, sans lesquels la motorisation des pays émergents représentera la plus grave catastrophe écologique de tous les temps; de développer les biocarburants, le recyclage des déchets, la séquestration et le stockage du CO2. D’unifier aussi le réseau de distribution électrique européen, aujourd’hui fragmenté, pour optimiser la consommation sur tout notre continent, de l’Andalousie à la Laponie.
Des programmes européens de même ampleur existent pour promouvoir l’Europe de l’Internet, en généralisant la couverture numérique à large bande du continent; et l’Europe des transports des personnes (TGV, autoroutes, aéroports...) et des marchandises: fret ferroviaire, canaux, autoroutes de la mer...
A eux seuls, ces programmes de grands travaux européens d’infrastructure nécessitent, selon la Commission, 1500 milliards d’euros d’investissement d’ici 2020 et peuvent créer des centaines de milliers d’emplois.
A cela, il faut ajouter le redéploiement de notre système productif vers les industries de l’avenir : nanotechnologie, biotechnologie, Espace, TIC, nouveaux matériaux, agriculture du futur... cette reconversion exige des investissements massifs dans la matière grise: Recherche et Innovation, Université, formation continue...
Pour peu que les Européens sachent drainer leur épargne longue et les capitaux internationaux vers ces investissements, ils peuvent donner une impulsion à leur croissance, l’installer dans la durée, et accroître son potentiel.
Les sources de financement doivent être multiples : nationales et européennes, publiques et privées. L’apport communautaire doit exercer un effet de levier, en réduisant les risques des investisseurs privés et en garantissant la rentabilité des capitaux investis à long terme.
Son montant doit en conséquence être augmenté. Les capacités de la Banque européenne d’investissement (BEI) doivent être démultipliées, - ce qui passe par sa recapitalisation. Les reliquats des fonds structurels (82 milliards d’euros) doivent être réorientés. Les obligations européennes dédiées à des projets -les Europrojects- aujourd’hui en phase expérimentale- doivent être instituées, de même que la taxe sur les transactions financières.
Cette politique volontariste doit s’accompagner d’un achèvement du marché intérieur européen, afin que les entreprises, -notamment de service- produisant en Europe, puissent bénéficier des économies d'échelle nécessaires pour rentabiliser leurs innovations.
L’UE doit simultanément lutter contre toutes les formes de concurrence déloyale, pour un commerce fondé sur les principes de réciprocité, d'équilibre, et de respect des normes internationales. Elle doit mettre en œuvre une politique active des changes.
La crise n’est nullement «derrière nous», comme l’affirmait l’ex-président Nicolas Sarkozy, mais bien devant, comme l’attestent les avanies de l’Espagne et du Portugal. Le renforcement du MES (Mécanisme européen de Stabilité), la mutualisation et la monétisation de la dette européenne, les disciplines budgétaires, sont nécessaires à sa résorption. Mais rien ne sera acquis sans un retour à une croissance forte et durable sur notre continent. Celui-ci passe d’abord et avant tout par une relance de l’investissement productif.
De plus en plus nombreux sont les responsables européens qui partagent désormais ce point de vue, défendu de longue date par le nouveau président français.

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