Pour un choc européen de croissance
Par HENRI WEBER député européen, secrétaire national adjoint du PS à la mondialisation.
«Il ne suffit pas de sauter sur sa chaise tel
un cabri en bêlant "croissance, croissance, croissance !"», nous disent les
dirigeants de l’UMP, paraphrasant le général de Gaulle, «encore faut-il
indiquer les moyens de la faire advenir». Exhortation légitime, à laquelle
les socialistes répondent avec précision.
Pour retrouver la croissance en Europe, selon eux,
il faut en premier lieu mettre effectivement en œuvre les politiques communes,
élaborées par la Commission européenne et approuvées par le Parlement, qui
dorment aujourd’hui dans les tiroirs, faute de volonté politique et donc de
moyens.
Je pense par exemple à l’Europe de l’Energie, chère
à Jacques Delors. Chaque année, les Européens déboursent 400 milliards d’euros
pour payer leur pétrole et leur gaz. Cette facture peut et doit être
considérablement réduite. Une «feuille de route» existe - Energie 2050 - pour
assurer notre indépendance énergétique et accélérer notre transition vers une
économie sobre en carbone.
Elle préconise d’investir massivement dans les
énergies renouvelables qui sont aussi les énergies de l’avenir: énergies
éolienne et photovoltaïque, qu’il ne faut en aucun cas abandonner à l’hégémonie
chinoise; énergies marine, hydraulique et géothermique.
La Commission recommande simultanément d’investir
dans les économies d'énergie. Le «Plan européen pour l’efficacité énergétique»
propose de rénover chaque année 3% des bâtiments publics, pour assurer leur
isolation thermique et leur autosuffisance énergétique; de développer les
«réseaux intelligents» qui réduisent la consommation d'énergie en limitant les
gaspillages; de promouvoir les véhicules électriques et hybrides, sans lesquels
la motorisation des pays émergents représentera la plus grave catastrophe
écologique de tous les temps; de développer les biocarburants, le recyclage des
déchets, la séquestration et le stockage du CO2. D’unifier aussi le réseau de
distribution électrique européen, aujourd’hui fragmenté, pour optimiser la
consommation sur tout notre continent, de l’Andalousie à la Laponie.
Des programmes européens de même ampleur existent
pour promouvoir l’Europe de l’Internet, en généralisant la couverture numérique
à large bande du continent; et l’Europe des transports des personnes (TGV,
autoroutes, aéroports...) et des marchandises: fret ferroviaire, canaux,
autoroutes de la mer...
A eux seuls, ces programmes de grands travaux
européens d’infrastructure nécessitent, selon la Commission, 1500 milliards
d’euros d’investissement d’ici 2020 et peuvent créer des centaines de milliers
d’emplois.
A cela, il faut ajouter le redéploiement de notre
système productif vers les industries de l’avenir : nanotechnologie,
biotechnologie, Espace, TIC, nouveaux matériaux, agriculture du futur... cette
reconversion exige des investissements massifs dans la matière grise: Recherche
et Innovation, Université, formation continue...
Pour peu que les Européens sachent drainer leur
épargne longue et les capitaux internationaux vers ces investissements, ils
peuvent donner une impulsion à leur croissance, l’installer dans la durée, et
accroître son potentiel.
Les sources de financement doivent être multiples :
nationales et européennes, publiques et privées. L’apport communautaire doit
exercer un effet de levier, en réduisant les risques des investisseurs privés et
en garantissant la rentabilité des capitaux investis à long terme.
Son montant doit en conséquence être augmenté. Les
capacités de la Banque européenne d’investissement (BEI) doivent être
démultipliées, - ce qui passe par sa recapitalisation. Les reliquats des fonds
structurels (82 milliards d’euros) doivent être réorientés. Les obligations
européennes dédiées à des projets -les Europrojects- aujourd’hui en phase
expérimentale- doivent être instituées, de même que la taxe sur les transactions
financières.
Cette politique volontariste doit s’accompagner
d’un achèvement du marché intérieur européen, afin que les entreprises,
-notamment de service- produisant en Europe, puissent bénéficier des économies
d'échelle nécessaires pour rentabiliser leurs innovations.
L’UE doit simultanément lutter contre toutes les
formes de concurrence déloyale, pour un commerce fondé sur les principes de
réciprocité, d'équilibre, et de respect des normes internationales. Elle doit
mettre en œuvre une politique active des changes.
La crise n’est nullement «derrière nous»,
comme l’affirmait l’ex-président Nicolas Sarkozy, mais bien devant, comme
l’attestent les avanies de l’Espagne et du Portugal. Le renforcement du MES
(Mécanisme européen de Stabilité), la mutualisation et la monétisation de la
dette européenne, les disciplines budgétaires, sont nécessaires à sa résorption.
Mais rien ne sera acquis sans un retour à une croissance forte et durable sur
notre continent. Celui-ci passe d’abord et avant tout par une relance de
l’investissement productif.
De plus en plus nombreux sont les responsables
européens qui partagent désormais ce point de vue, défendu de longue date par le
nouveau président français.
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