mercredi 30 mai 2012


La défaite, quelle défaite ?

La droite s’emploie encore à relativiser le score du 6 mai.



Par Guillaume Launay et Pauline Martineau

Comme une façon de tourner très vite la page de la présidentielle et de mobiliser les troupes en vue des législatives. Depuis le 6 mai, la droite va de micro en micro répétant que sa défaite s’est jouée à rien. Certes, l’opinion de Maryse Joissains, députée-maire (UMP) d’Aix-en-Provence, qui a carrément estimé François Hollande «illégitime», est restée plutôt isolée. Mais la droite s’applique à distiller une petite musique qui vise à minorer tant sa défaite que la victoire socialiste. Installant l’idée que la gauche aurait gagné «par effraction» comme l’a dit Alain Minc, proche de Nicolas Sarkozy, dans un entretien au Monde où il avance que «le faible écart avec M. Hollande montre que la France n’est pas de gauche».

Les votes blancs. Ce discours avait démarré dès le 6 mai, avec un premier argument : le vote blanc. François Hollande n’aurait pas conquis la majorité absolue des Français, puisque près de 5,8% des bulletins ont été comptés blancs ou nuls. Que la situation ait été la même en 1995 pour l’élection de Chirac n’a pas empêché Jean-François Copé d’utiliser cette ficelle : «Parce que cet écart est très faible, il faudrait d’ailleurs décompter les votes blancs… Le message de Nicolas Sarkozy était sans doute beaucoup plus partagé qu’on ne le croit.» Sous-entendu, il faudrait compter ces votes blancs comme des votes Sarkozy cachés. Même argument de la part de Valérie Pécresse : «Hollande a été élu avec une minorité des voix. […] Les solutions de la gauche à la crise n’ont pas convaincu une majorité de Français.»

Les sondages. Deuxième étage de l’argumentaire, les sondages. Puisque les intentions de vote prévoyaient une lourde défaite, le fait qu’elle soit moins sévère valide la stratégie. Ainsi, à Libération qui lui demandait si la défaite était un «échec de la ligne Buisson», Guillaume Peltier, un des conseillers qui a théorisé la campagne droitière de Sarkozy, répondait le 10 mai :«Absolument pas. Il y a un an, jour pour jour, Nicolas Sarkozy était éliminé du second tour. Les sondages le créditaient de 18% à 19% des intentions de vote, derrière DSK, Hollande et Le Pen. Cette campagne lui a permis de passer de 22%, début février, à 27% le 22 avril. Et d’à peine 40% à 48,5% au second tour.» Remontée sondagière vaudrait donc victoire, au moins symbolique. Vendredi, sur Europe 1, le sénateur (UMP) Pierre Charon s’est même dit persuadé qu’il n’avait manqué que quelques jours à Sarkozy pour gagner : «Il était en reconquête, il prenait environ un demi-point tous les deux jours.» Encore trois semaines et il gagnait ? l’interroge-t-on. «Oui, c’est pour ça que ça se passe très bien pour les législatives, d’ailleurs.» Et d’ajouter que la victoire de Hollande fut «étriquée».

Les 600 000 voix. Le maire de Nice, Christian Estrosi, parle, lui, d’une campagne sarkozyste «presque victorieuse» qui s’est jouée «sur le poteau» à «quelques dizaines de milliers de voix». Plus précis, Claude Guéant répète en boucle un chiffre : «La victoire a tenu à 600 000 voix.» Une manière assez osée de convertir l’écart de voix entre les deux finalistes (1,14 million) en raisonnant à nombre constant de voix exprimées (1). «Il fallait faire basculer six cent et quelque mille voix de plus pour que la balance penche de son côté, c’est rien», précise Henri Guaino sur France 5. Qui semble assumer la stratégie derrière l’argument : «Il ne faut pas faire de théorie sur la défaite parce que quand ça se joue à aussi peu de voix, aucune théorie ne vaut quoi que ce soit.» Tout discours critique sur la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy se voit ainsi invalidé par principe. 
Au moins jusqu’au 17 juin.

Aucun commentaire:

compteur de visites - adresse ip