La toxicité d’un certain nombre de prêts souscrits par des acteurs publics locaux de toutes tailles et couleurs politiques, que je dénonce depuis plusieurs années, est aujourd’hui révélée au grand public par l’instabilité économique et financière majeure que traverse le monde.
La conséquence est sans appel : à un moment où leur situation budgétaire est déjà fragilisée par un argent public local rare, des collectivités voient les taux d’intérêt de leurs emprunts dépasser
les 30 %.
Que s’est-il donc passé ? En France notamment, ces emprunts indexés sur des valeurs aussi exotiques que le cours des monnaies ou les taux de change, sont apparus au début des années 1990. Le nouveau monde financier a fait primer des logiques financières sur l’intérêt général des Français : des établissements ont imaginé des produits toujours plus risqués et sophistiqués, apparemment aussi toujours plus profitables, alors même qu’ils n’étaient pas nécessaires.
De véritables drogues douces.
Si ces banques ont clairement floué élus et directions financières de collectivités avec lesquels elles entretenaient des relations de confiance, l’État et les autorités de régulation financière n’ont pas joué leur rôle de conseil et d’alerte. Les collectivités n’avaient en effet pas en leur sein les compétences nécessaires à leur souscription, sauf à disposer d’une connexion en temps réel à un serveur de salle de marchés et d’avoir engagé quatre traders dans leurs services…
Alors qu’un état des lieux a été jusqu’ici refusé par le gouvernement, et ce malgré les alertes lancées par la Cour des comptes depuis deux ans, il apparaît aujourd’hui aux yeux de tous que plusieurs milliers d’acteurs publics locaux risquent de voir passer leurs comptes dans le rouge.
Au travers de la commission d’enquête parlementaire dont j’ai demandé la création et que j’ai
l’honneur de présider, la Représentation nationale s’est assignée une responsabilité majeure dans le dénouement qui peut être apporté à cette crise. Le législateur doit limiter la possibilité de souscription par les collectivités des produits les plus complexes et les plus volatils : si les collectivités ont le permis de conduire au travers de leur libre administration, elles ne peuvent se piloter sans Code de la route.
Par ailleurs, les collectivités étant tenues à de strictes conditions d’équilibre de leurs budgets, elles ne pourront assumer seules les lourdes pertes inhérentes aux produits structurés.
Ce sont ces nouvelles régulations politiques que les élus locaux doivent aujourd’hui appeler de leurs voeux afin de restaurer la puissance publique.
Claude Bartolone
député de la Seine-Saint-Denis, président du Conseil général, président de la commission d’enquête de l’Assemblée Nationale sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux
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