Dans une salle de l'Assemblée nationale pleine à craquer (350 places), Eric Zemmour a joué l'invité vedette d'un colloque des «réformateurs» (le club des libéraux du parti présidentiel), consacré à «l'overdose de normes». Son créneau (entre un avocat fiscaliste outré par«l'instabilité» du bouclier fiscal et un patron révulsé par l'épaisseur du Code du travail): défendre la liberté d'expression, supposée asphyxiée par le Code pénal, les «magistrats inféodés au politiquement correct», et les médias qui «endoctrinent les enfants de 7 à 77 ans» avec leur«maccarthysme professionnel».
La veille, déjà, une vingtaine de députés du collectif La Droite populaire avaient reçu l'éditorialiste au Palais-Bourbon, pour lui exprimer tout leur «soutien».
Mercredi, des dizaines de députés UMP ont encore écouté Eric Zemmour, lire une intervention de quinze minutes. Son message aux parlementaires? «Il vous faut supprimer les lois mémorielles»(dont la loi Gayssot pénalisant la négation du génocide juif); éradiquer les articles du Code pénal criminalisant «l'incitation à la haine raciale et à la discrimination»; couper les subventions des«associations anti-racistes», qui «manient l'action en justice comme leurs anciens maîtres révolutionnaires maniaient la Kalachnikov»; et surtout les priver du droit d'intenter seules des«actions pénales» (à l'image de la Licra, du Mrap ou de SOS-Racisme, qui avaient déposé plainte contre lui).
Cette dernière recommandation, en particulier, a fait bicher le député Christian Vanneste, qui a déposé en septembre 2010 une proposition de loi en ce sens, agacé par «la multiplication des procédures» intentées par telle ou telle association – l'élu avait lui-même été condamné en 2007 pour «injures homophobes» sur plainte de SOS Homophobie, avant d'être sauvé par la Cour de cassation.
Dans la salle, les deux ténors des réformateurs, Hervé Novelli (membre du gouvernement Fillon jusqu'en novembre 2010) et Gérard Longuet (nouveau ministre de la défense), souriaient aux anges. Il faut dire que des dizaines de députés UMP sont passés, dont Bernard Carayon, venu supporter le principe d'une liberté d'expression inconditionnelle, alors même qu'il a déposé, en janvier dernier, une proposition de loi interdisant aux journalistes de diffuser certaines informations économiques au nom du «secret des affaires» – déjà signée par une centaine de ses collègues. Les réformateurs, visiblement, ne sont pas à une contradiction près!
Surtout, alors qu'il était initialement chargé de la conclusion du colloque, Jean-François Copé a bondi sur scène, au bout d'une heure, pour introduire lui-même Eric Zemmour – autant faire mousser la polémique... Le patron de l'UMP a «remercié» l'éditorialiste de sa présence, acclamée. «Sur le fait de savoir si on pouvait accueillir quelqu'un qui a fait l'objet d'une condamnation», Jean-François Copé a précisé qu'il ne «commentait pas les décisions de justice» (au contraire du secrétaire d'Etat aux transports, Thierry Mariani, qui s'était fendu d'un communiqué dès le 18 février, se disant «consterné» par le jugement).
Puis le secrétaire général de l'UMP a lancé: «Dans un Etat de droit, et dans une grande démocratie, la condamnation (...) est une chose, mais elle n'empêche en rien de poursuivre –fort heureusement – sa vie, son métier, c'est quand même la moindre des choses! Enfin, je voudrais dire qu'on n'est pas toujours obligé de choisir ses victimes, et je note qu'il arrive parfois qu'on les choisisse un peu trop facilement...»
Mercredi soir, néanmoins, les 314 membres du groupe UMP ne se sont pas tous déplacés – en particulier les «fillonistes», les «sociaux», les «centristes»... Bernard Accoyer, le président UMP de l'Assemblée nationale, n'a pas montré le bout de son nez. Il faut dire qu'il avait présidé en 2008 une mission d'information sur les questions mémorielles, transpartisane, qui avait recommandé (au bout d'un an d'un travail apaisé) de ne pas toucher aux lois mémorielles existantes (tout en suggérant de ne plus en voter de nouvelles).
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