Nicolas Sarkozy a dévoilé, lundi 1er mars à Bobigny, les grandes lignes de son plan d'action pour l'emploi. Axe majeur : l'apprentissage et la formation en alternance, antienne de la politique de l'emploi depuis le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo en 2004.
Mais à y regarder de plus près, une bonne partie des mesures annoncées n'est pas nouvelle, soit parce qu'elle a déjà fait l'objet d'un discours de Nicolas Sarkozy, soit car il s'agit d'une mesure déjà mise en place, puis abandonnée, et dont il annonce le retour.
Plus de moyens donnés aux contrats aidés... diminués fin 2010. Nicolas Sarkozy a annoncé, lundi 1er mars, "250 millions d'euros supplémentaires pour financer 50 000 contrats aidés de plus par rapport à ceux déjà budgétés". Nicolas Sarkozy a longtemps critiqué le recours aux emplois aidés et largement réduit leur nombre en 2007. Secteur marchand et non-marchand compris, ils sont passés de 1,383 million fin 2007, selon les chiffres du ministère à 1,245 million fin 2009. Avec un très net recul des entrées dans ce type de contrats : 560 000 en 2008 et 280 000 en 2009.
Face à la crise, Nicolas Sarkozy avait changé son fusil d'épaule, vantant les mérites des emplois aidés lors de son discours de Rethel fin 2008, en en promettant 100 000 de plus, pour arriver à 330 000 nouvelles entrées. La hausse s'est poursuivie en 2009, où l'on comptait au total 1,44 million de ces emplois, et en 2010 (1,63 million). En juillet de cette année, le gouvernement avait annoncé une nouvelle hausse, avec 40 000 nouveaux emplois aidés... Avant de fermer les vannes à la rentrée faute de budget, comme l'avait révélé le quotidien Les Echos en novembre.
François Baroin avait d'ailleurs assumé, fin 2010, cette volonté de limiter ces postes pour réduire le déficit. "Le nombre d'emplois aidés va passer de 400 000 à 340 000 l'an prochain. Dès cette année la part de salaire payée par l'Etat sera ramenée de 90 % à 80 % ce qui est encore très élevé", avait annoncé le ministre du budget. Plutôt qu'une hausse, Nicolas Sarkozy semble donc effectuer un nouveau revirement, en rétablissant 50 000 emplois sur les 60 000 supprimés par M. Baroin. Soit un solde de 10 000 de moins.
"15 000 places supplémentaires d'hébergement" déjà annoncées deux fois. "Je vous annonce que l'Etat va mobiliser 250 millions d'euros supplémentaires prélevés sur le grand emprunt pour créer 15 000 places supplémentaires d'hébergement pour les jeunes apprentis", a lancé Nicolas Sarkozy.
Une phrase qui rappelle des annonces déjà faites : lors d'un discours consacré aux priorités du grand emprunt, prononcé le 14 décembre 2009, Nicolas Sarkozy avait dit quasiment la même chose : "Il faut développer l'apprentissage et l'excellence est aussi dans l'apprentissage. En complément des apports des entreprises, des partenaires sociaux et des collectivités locales, 500 millions d'euros seront donc investis par l'Etat pour améliorer l'hébergement des jeunes, pour rénover les centres de formation, les mettre aux normes et surtout les équiper."
L'annonce était précisée, en février 2010, sur le site du gouvernement : 250 millions étaient prévus pour la rénovation des centres de formation, et 250 autres étaient destinés à"développer une offre de logement pour les jeunes apprentis à proximité des centres de formation : 18 000 places supplémentaires seront ainsi financées, pour partie sous forme d'internats de l'alternance, au sein des centres de formation, pour partie en dehors de ces derniers". Au final, les 18 000 places promises en 2009 sont devenues 15 000, promises pour 2011.
Des contrats d'autonomie augmentés, même s'ils déçoivent. Le chef de l'Etat a également annoncé la mise en place de 7 000 nouveaux contrats d'autonomie pour 2011, soit 15 000 au total. Créé en 2008 par Fadela Amara, ce dispositif pilote d'accompagnement vers l'emploi, expérimenté dans 35 départements, vise des jeunes de 16 à 25 ans. Ils sont accompagnés dans l'emploi par des opérateurs privés. Lors de sa mise en place en 2008, l'opération avait pour objectif de toucher 45 000 jeunes au total en 2011. Au 14 avril 2010, on comptait 26 486 contrats signés.
En septembre 2010, Fadela Amara annonçait que 32 000 jeunes avaient bénéficié de cette mesure. L'effort devrait donc permettre d'atteindre l'objectif fixé. Mais à quel prix ? La mesure est en effet très critiquée. La députée UMP Chantal Brunel dénonçait, le 14 octobre 2010, son"mauvais rapport coût efficacité" et évoquait des "résultats décevants".
En 2010, le budget total de la mesure était de 65 millions d'euros pour 14 000 contrats en cours, soit plus de 4000 euros par jeune suivi. Plusieurs parlementaires de la majorité, mais aussi l'Inspection générale des affaires sociales, ont même demandé fin 2010 leur suppression au profit d'un autre dispositif, le Civis (Contrat d'insertion dans la vie sociale).
Un bonus-malus qui existe déjà. Nicolas Sarkozy a centré son intervention sur l'apprentissage, fer de lance de la politique de l'emploi du gouvernement. Le chef de l'Etat a promis de pousser les entreprises à avoir plus recours à la formation en alternance. Il a ainsi augmenté le taux imposé sous peine de taxes aux grandes entreprises, qui passe de 3 % à 4 % des effectifs. "Mais en contrepartie, nous allons moduler la surtaxe, pour faire en sorte que celui qui ne fait aucun effort soit davantage pénalisé que celui qui est juste en dessous du seuil. En contrepartie de ce malus, le gouvernement va mettre en place un bonus pour les entreprises qui dépassent le quota des 4 %, qui prendra la forme d'une réduction de charges".
Or ce type de dispositif existe déjà. Comme le note le site spécialiséEducPros, il a été introduit par la loi sur l'égalité des chances de 2006, qui prévoyait de majorer la taxe d'apprentissage des entreprises qui ne respectaient pas le quota de 3 %. En 2009, ce dispositif avait été remplacé par un autre, prévoyant une taxe d'apprentissage nouvelle, fixée à 0,1 % de la masse salariale, pour les entreprises.
Le plan "zéro charges", un dispositif datant de 2009... rétabli après sa suppression. "Il faut que chaque chef d'entreprise soit au courant que s'il recrute un jeune en contrat d'alternance, il bénéficiera d'une réduction de charges", a promis Nicolas Sarkozy. En pratique, ce bonus ne s'appliquera qu'aux entreprises de moins de 250 salariés, qui bénéficieront d'une exonération de charges durant 6 mois pour toute embauche en apprentissage ou en contrat de professionnalisation.
Une mesure... déjà annoncée en 2009 par le même Nicolas Sarkozy, lors d'un discours, le 24 avril, à Jouy-Le-Moutier : "Le gouvernement a mis en place cette année, à titre exceptionnel, un dispositif "zéro charges" pour toutes les embauches réalisées dans les entreprises de moins de dix salariés. Et bien nous allons étendre ce dispositif à toutes les entreprises pour le recrutement de leurs apprentis jusqu'en juin 2010. C'est simple, zéro charges pour le recrutement d'un apprenti".
Le dispositif, limité aux PME, avait été présenté comme un succès par le gouvernement, qui estimait qu'il était à l'origine de 500 000 embauches. Il permettait alors d'être exonéré de charges patronales durant 12 mois. Mais le chef de l'Etat avait annoncé la suppression de la mesure, le 10 mai 2010, estimant "qu'avec l'amorce de la reprise depuis le 4e trimestre 2009, elle est moins nécessaire". Elle est donc rétablie.
La "création" d'un portail Internet... déjà en place depuis un an.Nicolas Sarkozy a également évoqué une manière de résoudre la difficulté pour les jeunes désireux de faire une formation en alternance de trouver un poste : "Nous allons créer un portail [Internet] de l'alternance. Ce portail aura une double fonction : il constituera une bourse des emplois, permettant à un jeune d'avoir accès à l'ensemble des offres en alternance sur un territoire et surtout sur un secteur professionnel. Et ce sera un outil de simplification des procédures administratives : car avec ce portail, les procédures seront dématérialisées."
Or, ce site... existe déjà depuis un an. Il s'intitule "le portail de l'alternance"et a été mis en place par Laurent Wauquiez en mai 2010, dans la foulée des ateliers de l'apprentissage et de l'alternance qu'il avait organisé. Il ne s'agit donc pas là d'une "création", mais de communication sur un dispositif déjà en place.
12 000 contrats de professionnalisation... contre 30 000 annoncés. Nicolas Sarkozy a également fait le bilan des actions déjà menées. Il a ainsi vanté les mérites des "développeurs de l'alternance" : des personnes, recrutées au sein des chambres de commerce et d'industrie, pour faciliter les embauches en apprentissage et en alternance. trois cents sont déjà en place, d'après l'Elysée.
Lors de leur mise en place, en 2009, le chef de l'Etat avait fixé des objectifs précis : "Je veux 30 000 contrats de professionnalisation supplémentaires entre juin 2009 et juin 2010". Il est revenu sur ce bilan dans son discours du premier mars : selon lui, ces "développeurs" ont "fait la preuve de leur efficacité pendant la crise pour prospecter les entreprises et aller chercher des offres : 135 000 entreprises ont été contactées, et grâce à eux, 28 000 contrats d'apprentissage et 12 000 contrats de professionnalisation ont été signés". Soit 18 000 de moins que ce qui était demandé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire