Par Martine Aubry
Encore une fois les dirigeants européens ont agi au pied du mur sans proposer une vision d’avenir ambitieuse et cohérente.
L'accord trouvé cette nuit était nécessaire, mais il est très tardif, bancal et ne s’attaque pas aux causes profondes de la crise.
L’accord sur la restructuration de la dette grecque repose en grande partie sur une participation des créanciers privés aux contours flous et surtout s’accompagnera d’une poursuite des politiques d’austérité qui ont cassé la croissance en Grèce et menacent sa solvabilité.
La recapitalisation des banques qui accompagne cet accord risque de se faire au détriment de l’économie réelle, des crédits distribués aux PME et aux ménages.
Le renforcement du Fonds européen de stabilité financière est nécessaire, mais les décisions de bric et de broc prises en ce sens sont insuffisantes pour casser la spéculation contre les dettes d'Etat, et inquiétantes pour la souveraineté de l’Europe. En effet, un Fonds spécial adossé au FMI et reposant sur la participation des pays émergents pourrait être mis en place. Les Européens ont été incapables de s’entendre pour trouver les ressources nécessaires en interne, ce qui aurait été possible, comme nous le proposons, par l’émission d’euro-obligations, la possibilité donnée à la Banque centrale européenne d’acheter les titres du FESF par exemple ou, comme je l'ai proposé à plusieurs reprises, la transformation du FESF en une banque publique européenne aux cotés de la BCE et de la BEI.
Le plus inquiétant est la poursuite des mêmes politiques d’austérité sont poursuivies. Pourtant, l’Europe est en panne de croissance et la menace d’une récession n’est maintenant plus écartée par les économistes. Sans retour de la croissance, les comptes publics continueront de se dégrader faute de rentrées fiscales, ce qui entretiendra la défiance des marchés financiers.
J'appelle l’Europe à mener de front redressement de la croissance et des comptes publics. Pour cela, il faut des ressources nouvelles ; cela passe par la création sans délai d’une véritable taxe de 0,05% sur l’ensemble des transactions financières à l‘échelle de l’Europe ou, à défaut d’un accord d’ensemble, à l’échelle d’un groupe pionnier autour de la France et l’Allemagne. Cette taxe ne peut rester une promesse sans lendemain, ou sans cesse retardée et réduite à la portion congrue, comme on peut aujourd'hui le craindre.
Des avancées urgentes sont également nécessaires en faveur d’une harmonisation fiscale contre le dumping, d’un budget européen ambitieux et d’un véritable gouvernement économique européen de nature à reprendre le dessus sur les marchés. La zone euro doit adopter rapidement les nécessaires mesures de soutien à l’activité et aux investissements préparant la croissance et les emplois de demain, et permettant de réduire durablement les déficits publics.
L’Europe doit également mener une réforme financière d’ampleur, qui mette fin aux pratiques dangereuses. Il faut interdire les instruments financiers qui permettent de spéculer sur la dette des États, limiter les rémunérations des traders, encadrer les agences de notation, séparer les activités de dépôt et de banque d’affaire et créer une agence européenne de notation publique et indépendante.
Les États doivent rester garant en dernier ressort du système financier et bancaire, mais ils ne doivent pas le faire sans conditions et contreparties strictes : en cas d’intervention, ils devront prendre des participations au capital des banques pour s’assurer que chaque euro d'argent public soit un euro pour servir l’économie, les entreprises et les ménages. Et les États doivent y rester le temps nécessaire pour que les moyens mis en œuvre soient remboursés au dernier euro.
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