Le débat qui nous réunit n’est pas seulement de savoir comment la LGV POCL se fera. Il s’agit aussi de savoir pourquoi elle se fera. La réponse à cette question est pour moi sans ambiguïté. Le POCL n’est pas seulement un projet ferroviaire : c’est aussi et surtout un projet de territoire.
Personne ne perd de vue le fait que le POCL servira à doubler la ligne actuelle Paris Lyon. C’est un fait. Mais cette fonctionnalité importante ne doit pas occulter un enjeu plus fondamental : celui de l’aménagement et du développement équilibré du territoire pour le 21ème siècle.
Ce projet de ligne à grande vitesse peut constituer une chance historique, car la grande vitesse ferroviaire sera demain la vitesse standard en train sur les parcours moyennes et longues distances.
Un accès rapide et régulier à Paris est bien sûr essentiel pour l’attractivité des territoires.
Mais ce n’est pas, ou plutôt ce n’est plus le seul paramètre. Le POCL pourrait être une occasion manquée pour l’ensemble du Massif Central, en fonction du tracé choisi.
Le Massif Central, c’est la surface de l’Irlande ou du Portugal, un territoire de 3,8 millions d’habitants.
Faire de l’aménagement du territoire, c’est permettre à ce Massif Central de se développer, notamment à travers les régions qui en constituent le cœur : l’Auvergne et le Limousin.
Le POCL doit donc irriguer au mieux ces territoires et les mettre en relation avec Paris, Lyon et le reste de l’Europe.
A cet enjeu de court et moyen terme s’en ajoute un autre de plus long terme : où passera, après la réalisation du POCL, le barreau Est – Ouest à grande vitesse prévu par la Loi Grenelle ?
L’association ALTRO défend à travers Transline un tracé qui relie la façade atlantique à Poitiers/Limoges/Lyon /Turin et l’Europe de l’est.
Nous devons avoir conscience que le tracé qui sera choisi pour le POCL induira partiellement le tracé du futur barreau Est/Ouest.
Le Massif Central et l’Auvergne peuvent demain, à l’horizon maximum de 2050, se trouver au cœur d’une croix ferroviaire grande vitesse européenne Nord/Sud et Est/Ouest. Mais, l’Auvergne risque aussi d’être simplement tangentée par la ligne Nord/Sud du POCL et le futur barreau Est/Ouest qui pourrait très bien aller de Tours à Lyon via Saincaize, en évitant le Massif central et l’Auvergne.
L’enjeu de ce débat public n’est donc pas simplement de savoir quel est le tracé qui permettra d’aller le plus vite de Paris à Clermont-Ferrand et de Clermont-Ferrand à Lyon, mais de savoir si, ensemble, nous pourrons concevoir un système, certes plus coûteux, mais dont l’effet sur le développement sera le plus pertinent.
Le choix de la Région Auvergne se porte vers le tracé Ouest Sud. Les élus régionaux, et je les en remercie, ont pris leurs responsabilités vis-à-vis des Auvergnats. C’est un choix courageux, ambitieux, responsable.
Premièrement, le scénario Ouest Sud est le seul à garantir la réalisation d’une gare nouvelle « nord Auvergne ». C’est un point essentiel. Cette gare serait une plateforme ferroviaire de dimension européenne. Elle serait un outil essentiel pour le développement de la grande plaque urbaine clermontoise, un espace de 600 000 habitants. Le scénario Ouest Sud, grâce à la Gare nouvelle, est celui qui permettrait de créer le plus de valeur ajoutée pour toute l’Auvergne. Les données complémentaires publiées par RFF il y trois semaines, mais qui ne figurent pas dans le dossier support, montrent un gain de performance économique très important notamment pour Vichy et Moulins avec le Ouest Sud. Ce « gain moyen par actif » est évalué à 198 € par exemple pour Moulins contre 53€ pour le scénario Médian Sud.
Le Ouest Sud profiterait à l’ensemble des territoires d’Auvergne. Et ceci sans exception. Ce n’est pas le cas des autres tracés.
Deuxièmement, le scénario Ouest Sud est le seul à rendre possible le passage en Auvergne du barreau Est-Ouest que je viens d’évoquer. Ce scénario permettrait de plus d’offrir d’avantage de destinations vers l’Ouest, le Sud Ouest, le Centre. Il permettrait un accès direct vers Bruxelles, Turin, Londres, Genève…
Troisièmement, le tracé Ouest Sud permet également à l’Auvergne de renforcer ses liens avec Rhône Alpes. Cette région est notre premier partenaire économique. La réalisation d’une relation directe à grande vitesse entre Clermont-Ferrand et Lyon, via Roanne, est pour nous essentielle.
J’entends les arguments critiques au sujet du tracé Ouest Sud. Il serait le plus cher, le moins rentable avec le plus d’impact environnemental. Sur ce dernier point, il me semble qu’un tracé couplé avec l’A71 permettrait de limiter l’impact sur les milieux naturels tout en réduisant les coûts. La préservation des milieux naturels est pour nous une priorité.
Je sais que cette question des tracés est un sujet sensible qui s’écarte souvent de l’analyse cartésienne . Nous sommes ici dans le cadre d’un débat. Les avis des uns et des autres vont diverger. A quoi servirait de débattre si nous étions tous d’accord ? Et ceux qui font le choix de ne pas se prononcer prennent un risque : celui que d’autres décident à leur place.
La Région Auvergne assume pleinement son positionnement en faveur du tracé Ouest-Sud : c’est une position qui va au-delà des clivages politiques. La Région verse au débat son propre cahier d’acteur. Il est co-signé par les Communautés d’agglomérations de Montluçon, Vichy Val d’Allier, Clermont-Ferrand et du Conseil Général du Puy-de-Dôme. Nous sommes déterminés et sur la base d’arguments d’équilibre du territoire, d’économie et de développement durable, je remercie toutes les collectivités qui militent avec nous pour ce tracé.
Je pense évidemment aux collectivités auvergnates que je viens de citer, mais je pense également aux Régions Centre et Limousin qui soutiennent également ce tracé.
Il ne serait pas acceptable que l’on condamne le Massif Central et l’Auvergne au nom du seul principe de rentabilité. La LGV POCL peut constituer l’occasion d’un décollage économique. Le Massif Central a trop longtemps été le grand oublié de l’aménagement du territoire. La LGV POCL doit être l’outil de son renouveau pour le siècle à venir.
Nous avons une grande responsabilité devant les générations futures. J’espère qu’ensemble nous aurons la sagesse nécessaire pour induire des choix porteurs d ‘avenirs, parce qu’ils seront fondés sur l’intérêt général de la Région.
René Souchon
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