mercredi 5 octobre 2011

Objectif zéro triche pour la primaire



Ordinateurs et transmissions sécurisées, stylos électroniques, huissiers... : les socialistes veulent éviter les soupçons de fraude qui ont entaché le congrès de Reims.

Par LAURE BRETTON


Jean-Pierre Mignard, le président de la Haute autorité de la primaire (HAP), le répète a qui veut l'entendre: «la lutte contre la fraude, c'est le cœur de notre travail», concède-t-il.

«L'enjeu essentiel (pour la HAP), c'est la garantie du sérieux du vote et la sincérité du scrutin»des 9 et 16 octobre prochains, ajoute-t-il au sortir d'une session de formation/braninstorming/motivation avec les «délégués départementaux de la HAP» au siège du PS, samedi. Mignard parle même «d'obligation morale» face aux électeurs.

Côté garanties, histoire de ne pas ternir cette «assez belle ouverture démocratique», dixit Mignard, la HAP et les équipes des candidats, réunis au sein du Comité d'organisation de la primaire (Cnop) ont donc tout prévu ou presque. D'abord de leur propre chef. Pas question de plomber la désignation du candidat socialiste après trois présidentielles perdues. Mais aussi en suivant les recommandations de la Cnil qui, sous les coups de boutoirs de la droite, a réclamé plus de sécurité sur l'utilisation des listes électorales.

Objectif: empêcher le bon vieux bourrage des urnes

Pour les deux soirées électorales, la troïka de la HAP (Jean-Pierre Mignard, Catherine Barbaroux et Rémi Pautrat) sera enfermée à Solférino avec «10-12 grands experts» chargés de valider les résultats venant des fédérations départementales. Le siège du parti accueillera aussi, dans des pièces séparées et toutes dotées d'un ordinateur relié à l'interface interne, des représentants des six candidats. Les résultats remonteront vers le QG central par trois biais, rendant, a priori, infime le risque de triche électorale. «A part le bon vieux bourrage des urnes sur place, je ne vois pas ce qui pourrait arriver», glisse l'un des permanents du PS chargés d'organiser le scrutin. Mais, selon lui, le battage médiatique entourant cette primaire inédite devrait dissuader les fraudeurs.

Dès le dépouillement terminé dans un bureau de vote, son président téléphone à Paris via un système Audiotel sécurisé mis en place par le PS. Les chiffres s'affichent automatiquement et simultanément sur l'intranet de la primaire mais aussi, avec un tout petit décalage, sur le site internet de la primaire (www.primairescitoyennes.fr) auquel a accès le grand public (et donc les journalistes). C'est le stade des «résultats estimés». Pour les valider, la HAP attend les données transmises par chaque bureau à l'aide d'un stylo électronique, présenté comme l'arme absolue contre les fraudes. (Du coup, certaines fédérations voudraient bien que la location de ces petits bijoux technologiques, pour 300.000 euros, se transforme en achat pur et simple histoire d'être irréprochables - aussi - lors du prochain congrès du PS, prévu à l'automne 2012). On sera alors au stade des «résultats validés» (ou non) par la HAP. «S'il y a un litige, tout le monde le voit: sur l'interface ou le site des primaires», souligne-t-on au siège du PS.

Des protections contre les attaques informatiques

En cas de doute, d'incohérence entre les résultats téléphonés et scannés, la HAP renvoie le tout à sa commission départementale et attend 1-des explications 2-de nouvelles données. Pas la peine de tenter une prise d'otages pour faire modifier un chiffre défavorable: à aucun moment les membres de l'Autorité ne peuvent entrer dans le système informatique... «Rien n'est négociable à Solférino», insiste un organisateur. Vient ensuite, en troisième partie de soirée, le temps de la transmission des PV en bonne et due forme, à l'ancienne.

Depuis décembre dernier, un «Monsieur Primaire», Axel Cavaleri, est chargé, en plus de l'installation des bureaux de vote et de la formation des assesseurs bénévoles, de réfléchir au moindre grain de sable qui pourrait venir enrayer la machine. Une attaque informatique contre le site des primaires (c'est déjà arrivé cet été), un bug style «an 2000», une coupure de courant géante... Tout a été envisagé. Les systèmes de remontée des données ont par exemple été totalement découplés: si l'un tombait en rade, il en resterait deux pour que la primaire ne déraille pas. Pour lui, à deux semaines du but après dix mois de développement, «tout est bien isolé pour qu'on ait le filet de sécurité maximum».

Coût total de l'opération: 4 millions d'euros

Toutes ces précautions ont entraîné pas mal de frais supplémentaires, notamment pour rémunérer les 200 huissiers chargés de surveiller la mise sous scellés des listes d'émargement au soir du premier tour, leur réouverture au deuxième tour puis leur destruction dès la primaire terminée. La saisie informatique des listes électorales a également coûté cher. Jean-Pierre Mignard parle de «vingt emplois» créés par le PS pour s'en occuper.

Le plan de com réclamé par la HAP fin août est aussi venu alourdir la note et, dans la foulée du succès d'audience du débat retransmis sur France Télévisions, il a fallu réimprimer des bulletins de vote pour faire face à un déferlement éventuel d'électeurs. Au total, chacun des six candidats disposera de 5,6 millions de bulletins à son nom, dispatchés dans les 9.600 bureaux de vote. Enveloppe globale pour l'instant: près de 4 millions d'euros, soit presque un doublement de la facture initiale. Le jeu en vaut la chandelle, a estimé samedi Catherine Barbaroux, de la HAP. Les Français savent aujourd'hui qu'ils peuvent participer à l'aventure qui sera, «un succès». Pour Mignard, le «plancher» d'un million de votants est désormais acquis. «Deux millions serait un grand triomphe. Au-delà, les mots nous manquent.»

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