samedi 18 décembre 2010

Hébergement d’urgence : Apparu rénove plus vite que son ombre



Les centres d’hébergement, ça a longtemps été des dortoirs, la violence, le vol. Ça a changé. Ça fait dix ans. Maintenant, 95% des centres, ce sont des chambres individuelles ou à deux, qui sont totalement humanisées.»

INTOX

Le 1er décembre, sur LCI, Benoist Apparu, secrétaire d’Etat au Logement, faisait le point sur la politique d’accueil des sans-abris. «On promet à tous ceux qui appellent le 115, le numéro d’urgence, une place d’hébergement», affirmait-il, pointant toutefois une difficulté : «Le problème, c’est que les gens les plus cassés, ceux qui sont dans la rue depuis deux, cinq ou dix ans n’appelleront pas le 115.» Son interviewer, Christophe Barbier, le relance : «Ils disent souvent qu’il y a de la violence [dans les centres d’hébergement].» Apparu opine, mais balaye le sujet : «Oui, certains ont une image des centres qui n’est plus ce qu’elle était. Les centres d’hébergement, ça a longtemps été un dortoir, quarante lits, la violence, le vol. Ils n’ont pas envie d’y retourner. Tout ça, ça a changé. Ça fait dix ans. Maintenant, 95 % des centres, ce sont des chambres individuelles ou à deux, qui sont totalement humanisées.»

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Des chambres individuelles ou doubles dans 95 % des centres ? Des structures «totalement humanisées ?» Le propos d’Apparu a fait tousser dans les associations. «C’est faux», tranche Sylvaine Villeneuve, chargé de communication de la Fnars (fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale). D’abord parce que les personnes logées en urgence pendant l’hiver se retrouvent parfois dans de simples gymnases mis à disposition par les mairies.

Mais même dans les centres d’hébergement à proprement parler, qui sont ouverts toute l’année, les conditions décrites par Apparu sont loin d’être systématiquement assurées. Le ministre affirme que tout a changé depuis «dix ans». Le dernier bilan global de la situation nuance cette vision. En septembre dernier, la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) a rendu public un rapport sur les établissements d’accueil des personnes en difficulté. Fin 2008, la France proposait 10 200 places d’hébergement d’urgence (offertes à la nuitée). Celles-ci étaient réparties entre les centres d’hébergement d’urgence (CHU), dédiés à l’accueil de courte durée, et les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), qui accueillent pour des plus longues durées des personnes en difficulté, et qui proposaient également 4 700 places d’urgence (sur un total de 41 000 places).

Selon la Drees, les dortoirs et chambres collectives (jusqu’à quatre lits) représentaient encore 18 % des places des CHRS (3 % de dortoirs, 15 % de chambres partagées). Un chiffre qui monte à 40 % (19 % de dortoirs et 21 % de places en chambres partagées) dans les autres centres (dont les CHU). On est loin des 95 % des chambres individuelles ou doubles. Depuis cette date, objecte le ministère, des moyens ont été débloqués, et des travaux de rénovation ou de construction des CHU et CHRS ont été engagés, notamment dans le cadre du plan de relance. Une circulaire du 5 mars 2009 en fixe les normes : «Le principe doit être la chambre individuelle, ou double pour les couples, et l’unité de vie pour les familles. Les projets prévoyant une capacité de 2 personnes par chambre feront l’objet d’un examen et d’une dérogation éventuelle par le préfet de région.» Les services d’Apparu assurent que les projets recensés permettront, d’ici 2012, la transformation de 20 700 places. Une bonne moitié, soit plus de 360 projets - concernant 11 300 places - ont déjà trouvé un financement. Ce qui ne signifie pas forcément une traduction sur le terrain.

Ainsi, le CHU de la Mie de Pain, un des plus grands d’Ile-de-France, figure parmi les projets les plus ambitieux (34 millions d’euros). Mais pour l’heure, il propose toujours 432 places en dortoirs. «Les travaux commenceront au printemps», annonce Sébastien Prot, responsable de la structure. Livraison prévue en 2013 ou 2014. La situation de la Boulangerie, autre centre parisien est plus sombre. L’établissement, ouvert de 20 heures à 9 h 30, propose 386 places en dortoirs. Mais il n’y a pas de travaux à l’horizon. Interrogé par Libération, le ministère reconnaît que le chiffre de 95 % cité par Apparu ne concerne pas la situation actuelle, mais les projets en cours ou à venir. A condition que les financements, assurés jusqu’à présent par le plan de relance aujourd’hui expiré, trouvent un prolongement. Ce qui n’est pas le cas, affirment les associations.

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