En ouvrant la lettre officielle, mademoiselle X a d'abord cru que c'était une erreur, une faute de frappes, un moment de distraction. Mais non, c'était bien vrai. Mademoiselle X, prof de mathsremplaçante, était nommée pour remplacer ... un prof d'Education physique et sportive(EPS). Et voilà comment le ministère de l'Education nationale ressemble parfois au royaume d'Ubu roi. De par ma chandelle verte !
L'histoire - véridique - débute à la veille des vacances de la Toussaint. Les personnages d'abord. Mademoiselle X en est à sa troisième d'année d'enseignement. Et comme souvent les profs débutants, elle est TZR - titulaire sur zone de remplacement -, c'est-à-dire qu'elle qu'elle n'a pas un poste fixe à l'année. Monsieur Y, lui, est prof d'EPS. De lui, on sait seulement qu'il part en formation continue du 4 au 10 novembre.
A priori, leurs chemins n'auraient jamais dû se croiser. Mais le rectorat de Paris en a décidé autrement. Il se trouve que mademoiselle X avait fait un remplacement entre la rentrée et les vacances de la Toussaint. A son retour, elle n'avait rien à faire. Or justement monsieur Y partait en stage à ce moment-là. Mademoiselle X tombait donc à pic pour remplacer monsieur Y. Vive le père Ubu, notre grand financier !
La suite est tout aussi ubuesque. Mademoiselle X fait d'abord vérifier sa surprenante affectation. Son collège de rattachement appelle le rectorat, qui confirme: oui, mademoiselle X, certifiée de mathématiques, est bien nommée en EPS. Magnanime, la "personne du rectorat" ajoute: "mais elle pourra faire des maths". C'est vrai qu'on n'est jamais trop fort en maths ...
Le jeudi 4 novembre, mademoiselle X recoit un coup de fil du lycée où elle va faire son remplacement. Le prof d'EPS n'a pas cours le jeudi. Inutile de venir. Il lui suffira de se présenter le vendredi.
Le vendredi 5, mademoiselle X se présente. Problème: le prof d'EPS a deux heures de cours avec en même temps une première L et une STG, puis deux heures avec une première S et une L. En maths, ça pose problème - les programmes ne sont pas les mêmes en L, en S et en STG. En plus, il officie en plein air ou dans le gymnase. Or, pour faire des maths, il faut une salle, des bureaux, des chaises, voire un tableau. Mais le vendredi, le lycée affiche complet, pas une salle n'est libre. Alors mademoiselle X rentre chez elle.
Les 8, 9 et 10, elle attend, mais on ne l'appelle pas. C'est alors qu'elle apprend qu'un jeune collègue de maths, débutant, du collège où elle a fait son remplacement à la rentrée part une semaine en formation. On ne lui a pas trouvé de remplaçant en maths. Mais en sciences physiques. Au moins reste-t-on dans le scientifique...
Aux dernières nouvelles, mademoiselle X a été nommée dans un autre lycée. Elle est soulagée: cette fois, c'est en maths.
En arrivant en juin 2009, le ministre Luc Chatel, qui a été sept ans aux ressources humaines de L'Oreal, avait trouvé qu'elles étaient vraiment très mal gérées à l'Education nationale. Alors il a fait venir l'ancienne DRH de la RATP, Josette Theophile. Depuis, on rationnalise au maximum tous les "gisements d'emplois". Par exemple on a supprimé 16 000 postes cette année, et on en supprimera encore autant l'an prochain "sans problèmes", dixit le ministre. Et on n'en finit pas ainsi d'"améliorer l'efficacité du système".
Evidemment pour les élèves, ce n'est pas la même chose d'avoir un prof d'EPS et un de maths. Mais bon, le principal est de boucher les trous. L'élève ne se trouve pas sans prof - avec mademoiselle X, il avait même le double en maths - et le prof-remplaçant ne reste pas chez lui à lire les oeuvres complètes d'Alfred Jarry. De par ma chandelle verte !
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