David Belliard
WebAlternatives économiques
07 mai 2010
Pour limiter le déficit de l'assurance maladie, le gouvernement dérembourse de plus en plus de médicaments. Mais l'économie réalisée est marginale et risque d'être payée par les patients, sous forme de factures plus importantes ou de renoncement aux soins.
Depuis la mi-avril, près de 150 médicaments ont vu leur taux de remboursement passer à 15 % de leur prix de vente. Concrétisé par une vignette orange, ce nouveau taux s'ajoute aux trois déjà existants (100 %, 65 % et 35 %), et constitue l'ultime étape avant un déremboursement complet. L'objectif affiché de cette mesure, tout comme celui des précédentes vagues de déremboursements, est de limiter les dépenses de l'assurance maladie en les ciblant davantage sur les médicaments dont le service médical rendu (SMR) est jugé satisfaisant par la Haute autorité de santé (HAS). Elle s'inscrit dans un contexte marqué par la volonté d'endiguer la hausse du déficit de l'assurance maladie (plus de 11 milliards d'euros pour 2009). Toutefois, cette politique pose questions, tant sur sa cohérence que sur ses conséquences.
Une économie marginale ?
Cette dernière vague de déremboursements devrait entraîner quelque 150 millions d'euros d'économies pour l'assurance maladie, qui pèseront pour une part non négligeable sur les patients, certaines mutuelles qui contestent le manque de cohérence de cette initiative ayant décidé de ne pas prendre en charge la différence. Mais cette économie sur les comptes de la sécurité sociale est en fait très marginale. Les remboursements de médicaments ont représenté, en 2008, environ 20 milliards d'euros : c'est nettement moins que pour l'hôpital (près de 79 milliards d'euros) et un peu plus que pour les honoraires des médecins en ville (18 milliards).
De plus, arrivent parallèlement de nouveaux produits dont le coût est parfois extrêmement élevé. Par exemple, une année de traitement par l'herceptine, récemment utilisée contre le cancer, coûte environ 26 000 euros par malade. La notion de service médical rendu, qui justifie le remboursement ou non d'un médicament, répond plus à une logique de réaffectation budgétaire que de baisse des dépenses : ne plus rembourser une spécialité dont l'utilité est jugée insuffisante permet à d'autres produits d'être à leur tour pris en charge. Sous l'impact de ces nouveaux traitements au coût élevé, le niveau global de remboursement des dépenses de médicaments a d'ailleurs augmenté ces dernières années : il est passé de 62 % en 1996 à 67,5 % dix ans plus tard.
La mise en place d'un système dual ?
Progressivement, cette politique tend à creuser l'écart entre deux niveaux de soins : un niveau lié à la prévention et aux traitements des pathologies les plus bénignes, pour lequel l'effort financier demandé aux usagers serait important, et un niveau lié au traitement des pathologies chroniques et/ou les plus lourdes, pour lequel, au contraire, la prise en charge par la sécurité sociale resterait très élevée. Ainsi, si le taux général de remboursement des soins par l'assurance maladie est resté constant depuis quelques années, autour de 77 %, l'écart s'accentue entre le niveau de prise en charge des soins hospitaliers (environ de 95 %) et celui des honoraires des médecins en ville (environ 65 %).
Une politique au détriment des usagers ?
Les conséquences de ces écarts, notamment en termes d'accessibilité aux soins les plus courants, n'ont pas été évaluées jusqu'ici. C'est particulièrement vrai pour les déremboursements de médicaments. Cette absence de suivi est d'ailleurs critiquée par le Collectif interassociatif sur la santé CISS), qui reproche à Roselyne Bachelot une « politique de gribouille ». Toutefois, les premières études semblent montrer que le déremboursement d'une spécialité en diminue de manière importante la consommation. Et cela d'autant plus que les médicaments, n'étant plus remboursés, voient leur prix de vente fixé librement par les pharmaciens et leur TVA augmenter de 3,4 %. Conséquence : le prix des médicaments non remboursés a plus que doublé ces vingt dernières années.
Cette situation aboutit à des écarts surprenants. Ainsi, l'ibuprofène 200 mg en boîte de 30 comprimés, remboursée par l'assurance maladie, est vendu 1,91 euros, tandis qu'une boîte d'Ibuprofène 200 mg dans un format plus petit (20 comprimés), non remboursée dans ce conditionnement, peut être vendue dans certaines officines jusqu'à 3 euros. Il n'est donc pas étonnant que toutes les enquêtes constatent une hausse du taux de renoncement aux soins des populations les plus pauvres. En 2007, 12 % des personnes gagnant moins de 2 500 euros par mois avaient connu cette situation.
C'est d'ailleurs ce que cherche à éviter le gouvernement, en instaurant un nouveau taux de remboursement à 15 %. Ce taux, très faible, permet cependant que les prix des spécialités concernées continuent d'être encadrés par l'assurance maladie, au risque de complexifier les règles qui définissent ce qui est remboursé et ce qui ne l'est pas. La délimitation du panier de soins pris en charge par la solidarité nationale reste, en effet, la principale question posée par cette politique de déremboursement.
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