Monsieur le président du Sénat,
Vous avez donc convoqué les Etats généraux. C'est grave ! C'est une décision
lourde que d'appeler, non seulement les parlementaires -- ceux du Sénat et de
l'Assemblée nationale et je salue le président Claude BARTOLONE -- mais aussi
les élus de nos régions, départements, villes et villages pour exprimer la voix
de la démocratie territoriale. Vous le faites ici à Paris, Paris dont Bertrand
DELANOË est le maire, mais qui n'a eu un véritable statut de collectivité de
plein exercice qu'en 1977.
Le gouvernement a répondu à la convocation, c'est toujours plus prudent. Il y
a des précédents pour ceux qui n'y sont pas allés... Je salue donc le Premier
ministre Jean-Marc AYRAULT et mesdames et messieurs les ministres qui
l'accompagnent aujourd'hui.
Si vous avez utilisé la référence des Etats généraux, et vous l'avez fait à
dessein, c'est bien parce que vous vouliez concevoir votre travail, moins comme
l'ouverture de doléances que comme une suite de propositions et de conclusions
utiles qui pouvaient, le cas échéant, inspirer le gouvernement dans la
préparation du prochain projet de loi sur la décentralisation.
Je salue l'initiative de Jean-Pierre BEL et du Sénat. Je reconnais l'immense
processus : plus de 20 000 contributions ont été recueillies et beaucoup de vos
conclusions, de vos propositions inspireront les travaux du gouvernement.
J'y vois aussi une prise de conscience commune entre les élus et les
responsables de l'Etat. Dans un moment où nous devons mobiliser toutes nos
forces, toutes nos ressources, tous nos moyens pour redresser notre pays, pour
le rendre à la fois plus fort dans la compétition, plus juste dans la
répartition, plus efficace dans l'action, vous avez considéré, et nous aussi,
avec vous, que les territoires n'étaient pas une charge pour un pays comme le
nôtre, mais un atout pour réussir le redressement.
Cette idée, d'ailleurs, ne va pas d'elle-même. Longtemps dans la République,
elle a été contestée. La démocratie territoriale fut un combat dans la
République. C'est la Révolution française en 1789 qui crée la commune et le
département, mais ne leur donne pas tous les moyens pour agir. Il faut attendre
la Seconde République, qui fut pourtant très brève, pour que soit instauré le
suffrage universel direct et rétablie, mais uniquement pour les petites
communes, l'élection des maires.
C'est la Troisième République, la grande République qui reconnut les libertés
locales : 1871 pour le département, 1884 pour la commune. Mais avec quelle
méfiance ! A l'époque demeurait la crainte de l'influence des notables et de la
paroisse et persistait cette volonté farouche de préserver, à toute force,
l'unité de la République. D'où la vigilance de l'Etat face à tous les
débordements des assemblées locales dont le symbole était la tutelle des
préfets.
La Quatrième République, plus débonnaire, aurait pu, après la Libération,
engager un grand mouvement de liberté locale. Il n'en fut rien. Car
l'instabilité gouvernementale allait être compensée par un renforcement de
l'autorité administrative centrale.
Quant à la Cinquième République, elle préféra longtemps la déconcentration à
la décentralisation, jusqu'à ce que le Général
de GAULLE, conscient de ce signifiaient les événements de mai 1968, proposa
au pays la régionalisation. Il ne fut pas compris et l'idée recula.
Il fallut donc attendre 1981, l'élection de François
MITTERRAND pour que puisse s'engager un processus de décentralisation
auquel, ici dans cette salle, beaucoup ont contribué.
Saluons la réussite : l'élargissement des libertés locales avec la
suppression des tutelles, l'avancée démocratique avec l'élection des conseils
régionaux au suffrage universel, la modernisation du pays à travers un transfert
de compétences au bénéfice des collectivités locales, mais surtout des citoyens
qui ont vu leur environnement changer en trente ans, quelles que fussent les
sensibilités politiques des élus en charge des responsabilités locales. Si bien
qu'après 30 ans de décentralisation, un consensus s'est établi et je ne m'en
plains pas, même si ce n'est pas facile de faire le consensus, même pour les
Etats généraux !
Et donc, un consensus s'est établi, au-delà des partis politiques de l'arc
républicain, pour considérer que la République décentralisée était désormais
notre bien commun. Mais nous devons aussi regarder lucidement les limites
atteintes par notre organisation territoriale. Vous les avez d'ailleurs
établies. Je ne le dis pas pour accabler les élus ou pour imaginer des
constructions théoriques sans lendemain, mais pour, avec vous, réfléchir à une
nouvelle étape de la décentralisation qui sera également une réforme de l'Etat
car les deux mouvements vont de pair.
Comment comprendre la multiplication, la complexité des interventions
locales, les financements croisés qui ajoutent encore à la confusion ? Comment
admettre l'illisibilité des actions alors même que les élus se dévouent pour le
bien commun, mais n'arrivent pas à faire comprendre qui est responsable de quoi
avec l'enchevêtrement des compétences ? Comment admettre l'opacité des finances
locales et les inégalités croissantes entre collectivités ? Comment justifier
aussi toutes ces structures nées de la liberté, du bon vouloir, parfois de la
contrainte mais qui, en réalité, laissent sans cohérence un certain nombre de
domaines d'action publique ? Chaque majorité depuis 25 ans a tenté, de bonne
foi, d'apporter des réponses à cette situation, mais force est de constater que
les lois successives ont plutôt ajouté de la confusion qu'elles n'ont contribué
à la simplification. Et faute d'une véritable réforme des finances locales,
l'état et les collectivités ont fini par multiplier les sujets de conflit.
Je vais vous livrer ma conviction -- elle est établie depuis longtemps : les
pays qui réussissent le mieux dans la compétition mondiale sont ceux qui sont
capables de fédérer tous les acteurs dans un même projet. Cela vaut pour le dialogue
social, cela vaut également pour la démocratie territoriale. Nous avons
besoin d'acteurs qui soient reconnus, qui soient respectés et en même temps qui
soient responsables. La démocratie locale, c'est d'abord une exigence de
citoyenneté, mais c'est aussi un levier de croissance. La compétitivité de notre
économie -- dont on parle beaucoup à raison -- repose sur la qualité du savoir
faire, sur l'innovation, l'intelligence des entreprises mais également sur
l'implication des territoires.
Ce sont, rappelons-le, les collectivités locales qui, aujourd'hui, réalisent,
batissent, équipent le pays puisqu'elles sont à l'origine de 70 % de
l'investissement public. Ce sont les collectivités locales qui permettent aux
politiques publiques décidées par l'Etat, d'être traduites dans la réalité. Ce
sont les collectivités locales qui accompagnent, suivent, transcrivent,
appliquent même les lois de la République. Aujourd'hui encore, quand le
gouvernement de M. Jean-Marc AYRAULT engage une réforme du logement social,
libère des terrains, modifie les règles pour qu'il puisse y avoir davantage de
logements dans les communes qui n'ont pas fait forcément l'effort en direction
de la construction sociale, quand le gouvernement de Jean-Marc AYRAULT lance les
emplois d'avenir - la loi va bientôt être définitivement votée - à qui
s'adresse-t-il, si ce n'est aux collectivités locales pour que ces textes
deviennent réalité dans notre pays ? Sans les collectivités locales, pas de
logements sociaux ! Sans les collectivités locales, pas d'emplois d'avenir !
Sans les collectivités locales pas de solidarité, pas d'action économique !
Voilà pourquoi nous avons besoin d'une relation forte entre l'Etat et les
territoires. Je sais donc ce que notre pays doit aux élus de la République. Ils
sont selon les circonstances opportunément flattés ou injustement flétris. Il y
aurait trop d'élus, trop de communes, trop de niveaux. Dois-je rappeler que les
conseillers municipaux sont, pour l'essentiel, bénévoles ? 80% de ceux qui sont
élus n'ont aucune indemnité. Dois-je rappeler que notre démocratie locale est
sans doute la plus singulière, puisqu'elle ne reconnait à aucun moment un statut
pour ces élus et que beaucoup sacrifient leur vie professionnelle à l'intérêt
général ? Mais cette reconnaissance, cet hommage même à l'égard des élus, ne
peut dans ma bouche être une justification du statu quo. Les défis de l'emploi,
de l'éducation, du logement, du service public, du vieillissement de la
population mais aussi de la transition énergétique appellent un nouveau temps de
l'action publique.
Ce temps est venu, cette page nécessaire de notre histoire nous l'écrirons
ensemble, c'est l'esprit du projet de loi que le gouvernement prépare et qu'il
présentera au début de l'année prochaine. La première lecture viendra au Sénat.
Ce projet repose sur 4 principes essentiels :
Le premier, c'est la confiance car au-delà des mots, des
intentions, l'Etat et les collectivités locales ont besoin d'un cadre stable
pour échanger, pour dialoguer, pour décider. Ce cadre se sera le Haut Conseil
des Territoires qui deviendra l'instance de concertation, d'évaluation et de
négociation entre eux, l'Etat et le représentant des associations d'élus. Ce
Haut Conseil regroupera autour de lui toutes les structures existantes. Ce sera
d'ailleurs un facteur d'économie et de cohésion. Il regroupera le comité des
finances locales, la commission nationale d'évaluation des normes et celle sur
le transfert des charges. Il sera saisi sur chaque texte intéressant les
collectivités locales et avant chaque loi de finances. Il sera donc un facteur
de reconnaissance, de cohérence et de responsabilité.
La confiance, c'est aussi le droit à l'expérimentation. La République est
une, mais elle n'est pas uniforme. Il existe, aujourd'hui, déjà un droit à
l'expérimentation, mais comme souvent, tant de conditions, tant de verrous ont
été posés qu'il n'est pas véritablement utilisé. Il sera donc élargi et assoupli
afin que les collectivités locales puissent mettre en œuvre des politiques
nouvelles, des pratiques différentes ou même adaptent, comme il leur paraîtra
souhaitable, des dispositifs existants.
La confiance, ce peut être -- dans des limites qui devront être bien précises
-- d'envisager un pouvoir d'adaptation locale de la loi et des réglements,
lorsque l'intérêt général le justifie, compte tenu des spécificités du
territoire. Cette évolution n'est pas simple, elle pourra même être jugée
périlleuse. Il est légitime de l'encadrer, mais nous avons besoin aussi de tenir
compte de la diversité de nos territoires. Je ne parle pas ici simplement de
l'Outre-mer qui connait déjà cette évolution, je parle de nos régions qui ont
besoin, avec les collectivités qui sont présentes de pouvoir imaginer une
meilleure adaptation de la loi.
La confiance, c'est enfin l'allègement des normes. J'ai compris que c'était
une des préoccupations qui était sortie de vos Etats généraux.
400 000 mille normes seraient applicables et on mesure, à évoquer ce chiffre,
combien la décentralisation est finalement contournée, détournée dès lors qu'il
y a autant de contraintes qui pèsent sur les collectivités.
Il y aussi une part de schizophrénie dans la dénonciation des normes. Des
législateurs, il y en a dans cette salle, votent des lois qui les introduisent,
parfois même font des amendements pour les renforcer. Lorsqu'ils redeviennent,
c'est encore possible pour quelques temps, maire, président du Conseil général
ou président du Conseil régional, les mêmes stigmatisent l'ensemble de ces
obligations et dénoncent le législateur qui a pu en avoir l'idée. Contradiction
française ! Mais nous ne pouvons plus accepter cette situation en terme de coût
pour les collectivités, en terme de délais pour les procédures.
Une des façons de gagner de la croissance, c'est bien sûr de chercher, à
travers l'offre et la demande, toutes les conditions qui permettent à toute la
vie économique d'être plus dynamique. Mais une façon aussi de chercher de la
croissance, c'est de faire plus vite ce qu'on a déjà décidé d'engager et même de
financer.
Si bien que la question des normes, ce n'est pas seulement une relation entre
l'Etat et les collectivités, c'est aussi une affaire de mobilisation de nos
atouts. A condition, bien sûr, de ne pas rentrer dans une forme de
dérèglementation, de dérégulation, où les objectifs de sécurité, les normes
sanitaires ou de protection de l'environnement, deviendraient des sujétions qui
seraient insupportables.
Je propose une méthode nouvelle et le gouvernement aura à la mettre en œuvre.
D'abord, aucune norme ne pourra être décidée sans l'avis favorable de la
Commission d'évaluation dont la composition sera elle-même renouvelée.
Ensuite, toute norme réglementaire qui n'aura pas été confirmée, de manière
expresse, à une date que fixera la loi, deviendra immédiatement caduque.
Je mesure ce que cette mutation va exiger pour évaluer, pour trier les normes
existantes. Cette tâche est indispensable. Pour éviter que la prolifération se
perpétue, dès lors que l'on aura réglé le stock, j'ai demandé là-encore au
Premier ministre, que pour tout nouveau texte, toute nouvelle norme soit
accompagnée de la suppression d'une autre. On pourra toujours trouver de
l'inflation. Certains disent : supprimez deux normes pour une ! Et ce sont
souvent les mêmes qui en ont créé deux, sans en supprimer une... Autre
contradiction française !
Ce que je veux, ce que vous voulez, je vous ai entendu, c'est le sens de ces
Etats généraux, c'est faire plus simple, aller plus vite, c'est respecter les
impératifs qui sont les nôtres, de sécurité, d'environnement, de santé. Sans
qu'il soit besoin pour autant de retarder les projets.
Le second principe que je voulais évoquer devant vous, après celui de la
confiance, c'est la clarté. Nous devons sortir
de la confusion des responsabilités entre l'Etat et les collectivités, mais
aussi entre les collectivités elles-mêmes.
Trente ans après la décentralisation, chacun constate que l'Etat continue
d'intervenir dans l'exercice des responsabilités locales. Il le fait parfois
légitimement quand il s'agit de contrôler la légalité des actes qui sont votés
par les collectivités. Il intervient également dans des domaines qui ont été
transférés, ajoutant ainsi de la confusion, de la contradiction, de
l'incompréhension.
Je propose donc, que le prochain texte sur la décentralisation, que la
ministre prépare, aille jusqu'au bout de la logique qui était contenue dans les
premières lois de décentralisation. C'est à dire les blocs de compétences. C'est
le seul moyen de reconnaître la pleine responsabilité des élus, mais aussi de
mettre un terme aux doublons en matière de fonctionnement de service.
La loi devra clairement confier aux régions l'ensemble des attributions qui
sont encore celles de l'Etat en matière de formation professionnelle,
d'orientation et de mise en cohérence des politiques d'accompagnement vers
l'emploi au niveau territorial, afin qu'il y ait le meilleur lien entre les
qualifications qui sont proposées et les besoins des entreprises.
De la même manière, l'Etat laissera la Région avoir vocation à piloter
l'ensemble des politiques conduites en matière d'emploi et de formation pour
qu'il y ait le meilleur lien entre les qualifications qui sont proposées et les
besoins des entreprises.
Aux régions, sera également transféré l'ensemble des politiques territoriales
en matière d'aide et de soutien aux PME. Les régions le font déjà depuis
longtemps. Elles devront bénéficier d'instruments nouveaux pour conduire ces
politiques.
Le premier de ces instruments sera la Banque Publique d'Investissement.
Certes, elle sera nationale, mais il sera possible de mutualiser ses moyens avec
ceux des régions pour créer un guichet unique et une instance de décision
présidée par le Conseil régional.
La Banque Publique d'Investissement et les régions seront associées pour agir
en direction des PME, de l'innovation, de l'investissement et de l'exportation.
Le second instrument, qui sera mis au service des régions, ce sont les fonds
structurels européens. Rien ne justifie qu'en France, à l'inverse de tout ce qui
a lieu chez nos voisins, ce soit l'Etat qui assure la gestion de moyens, dont
l'objet même est d'aider les territoires à conduire leur développement. La
gestion par les régions sera plus économe, plus rapide, au moment où il nous
appartient, en plus, d'aller chercher les ressources que le plan de croissance,
adopté au mois de juin, nous permet d'espérer.
Ce mouvement de décentralisation, de clarification en direction des régions,
sera aussi conduit vers les départements qui se verront confier l'ensemble des
politiques du handicap et de la dépendance, hors du champ de l'assurance
maladie.
Ce transfert imposera néanmoins, de définir un financement suffisant et
pérenne aux Conseils généraux.
Enfin, l'Etat devra partager avec le bloc communal, la responsabilité de la
transition énergétique.
Telle est la conception que je porte devant vous, de cette nouvelle étape de
la décentralisation.
Nous pouvons encore améliorer, approfondir, élargir.
Mais voilà les bases sur lesquelles je voulais que nous rentrions en discussion.
Le troisième principe, après ceux de la confiance, de la
clarté, c'est la cohérence. Un débat s'est
ouvert depuis plusieurs années sur l'opportunité de supprimer un niveau
d'administration locale. A un moment, la commune a été mise en cause. C'était
dangereux, pas tant pour les communes que pour ceux qui en avaient eu l'idée,
car chacun a fini par considérer que la commune était irremplaçable ! Surtout au
moment où notre pays a besoin, plus que jamais, de resserrer le tissu social,
que ce soit dans l'espace rural ou dans les quartiers de nos villes.
Aujourd'hui, c'est le département qui est sur la sellette. Trop vieux, trop
archaïque, trop dépassé. Je ne suis pas un défenseur d'une collectivité parmi
d'autres. Chacun doit avoir la lucidité de regarder les évolutions qu'il
convient d'accomplir.
Des arguments en termes d'économie sont souvent avancés pour supprimer un
échelon. Il ne résiste pas à l'examen dès lors qu'il n'est pas question d'abolir
les compétences que cette collectivité exerce.
A part diminuer quelques dizaines d'élus, où est l'économie ? Quant à la
simplification espérée, elle aboutirait à l'éloignement le plus souvent de nos
concitoyens par rapport aux décisions prises sans effet sur l'efficacité même du
service rendu.
Ainsi, à mes yeux, le problème n'est pas tant le nombre d'échelons.
D'ailleurs, lorsque je regarde chez nos voisins, c'est à peu près le même nombre
que je retrouve sous les appellations différentes. Le problème, et regardons le
franchement, c'est la répartition des compétences et c'est la gouvernance de nos
territoires. C'est cela que nous devons changer.
Il n'est pas question de remettre en cause la clause de compétence générale,
qui est un principe fondateur des collectivités locales depuis l'origine de la
République.
Pas question non plus de revenir sur l'absence de tutelle d'une collectivité
sur d'autres.
En revanche, l'objectif, c'est d'identifier clairement la collectivité
responsable d'une politique de façon à faire en sorte que toute autre
collectivité qui en aurait l'envie, ne puisse intervenir que dans le cadre qui
aura été fixé par l'autorité qui en a eu compétence. C'est le principe du chef
de file, prévu déjà, dans la constitution. C'est l'article 72.3.
Il existe en matière économique. Si un département, une ville veut accorder
une aide directe aux entreprises, il ne peut le faire que dans le cadre
déterminé par la région, garante de la cohérence générale des dispositifs.
C'est ce principe du chef de file qu'il faut étendre à tous les
domaines de l'action locale.
Je pense aux transports, aux déplacements, ou l'on sait bien qu'il est
nécessaire d'articuler ce qui est décidé dans les villes, les départements, les
régions. Pour le logement, pour la formation et même pour la jeunesse, nous
avons besoin d'une volonté et ensuite de modalités pour intervenir.
Dans certain cas, c'est la loi qui fixera la règle. Elle ouvrira aussi une
autre possibilité qui serait de laisser les collectivités s'organiser et décider
en commun par un pacte de gouvernance territoriale.
A chaque grande politique correspondrait une seule autorité qui fixerait les
modalités et l'action qui peut être déléguée à d'autres collectivités.
Cette organisation peut varier en fonction des territoires, des régions.
Compte tenu des spécificités ou de la taille d'un certain nombre de
collectivités. Ce n'est pas la même chose d'avoir des agglomérations de taille
importante dans un département ou de ne pas en avoir.
Enfin, la France ne peut plus occulter la nécessité d'organiser nos grandes
agglomérations urbaines. Nous voyons émerger, depuis plus de trente ans, des
métropoles de niveau européen, parfois autour d'une grande ville centre, parfois
autour d'un réseau de villes qui tissent entre elles des liens de solidarité et
de projet. Paris, Lyon, Marseille sont déjà concernés. Mais d'autres pôles
urbains veulent aussi prendre en main leur développement et leur rayonnement en
articulation avec les régions. Je considère que le temps est venu de leur en
donner les moyens.
Je propose donc de créer un statut de métropole qui ira au-delà des
établissements publics actuels et pourra exercer l'ensemble des responsabilités
du développement urbain en bénéficiant des transferts de compétences de l'Etat
ou de la Région. Le fait métropolitain figura donc dans le prochain projet de
loi.
Le dernier principe, c'est la démocratie. C'était l'idée de la
décentralisation : rapprocher la décision des citoyens, favoriser leur
participation, renouveler les pratiques. Elle a pour partie atteint ses
objectifs. Mais une distance s'est aussi créée. Elle se mesure aux taux
d'abstention constatés lors des élections locales. En outre, notre pays connaît
plusieurs situations, pour ne pas dire des anomalies qu'il nous appartient de
corriger.
Nous devons prendre la démocratie, j'allais dire au sérieux,
non pas comme un accompagnement nécessaire, mais comme l'objectif du pacte
républicain.
Je suis préoccupé comme vous par l'abstention aux élections locales, par la
multiplication des scrutins, qui d'ailleurs, renvoie à la question des
compétences enchevêtrées, à l'absence de clarification, à une forme
d'illisibilité de l'action publique.
Voilà pourquoi une loi de décentralisation n'est pas une loi simplement pour
que l'Etat se débarrasse d'un certain nombre de compétences. Au contraire, c'est
pour qu'il y ait plus d'efficacité, plus de rapidité, plus de proximité et plus
de démocratie.
Il y a des situations qui méritent des réformes ou des corrections.
La première évolution qu'il faudra accomplir, c'est de revenir sur la
question du conseiller territorial. Elle n'a pas eu le temps de rentrer en
vigueur, elle a été incomprise et donc elle n'a pas été acceptée.
Personne ne saisissait s'il s'agissait de changer un mode de scrutin par
opportunité ou s'il s'agissait, à travers cette élection, de fusionner deux
assemblées tout en maintenant deux collectivités. Personne n'y est parvenu, donc
le conseiller territorial sera supprimé. Mais dès lors que l'élection de ce
conseiller n'est plus envisagée, deux questions se posent : la première c'est la
date des élections régionales et départementales. Là aussi tâchons de faire
simple. En 2014 sont d'ores et déjà prévus trois rendez-vous électoraux : les
élections municipales, le renouvellement du Parlement européen et les élections
sénatoriales. Je considère que pour le respect de nos concitoyens et de nos
assemblées concernées, il est préférable de reporter à 2015 l'organisation des
deux consultations le même jour : régionales et départementales. J'ai donc
demandé au gouvernement de procéder à une concertation pour confirmer ce
calendrier.
Reste la question du mode de scrutin des élus départementaux. Là encore, une
concertation est prévue avec l'Assemblée des départements de France. Mais,
permettez-moi d'indiquer ma préférence, elle ne vous oblige pas. Nous sommes
dans des Etats généraux, c'est vous qui aurez le dernier mot. Je connais bien
nos territoires et notamment le département. Je considère qu'il y a besoin d'un
ancrage territorial et en même temps qu'il y a une exigence de parité. C'est
avec ces deux principes que nous trouverons le mode de scrutin opérant.
La seconde évolution porte sur l'intercommunalité. Les budgets qui sont
aujourd'hui votés dans ces structures justifient que les conseillers
communautaires soient élus au suffrage universel, en même temps que les
conseillers municipaux. Là encore, ma préférence va à un système de fléchage qui
permettra aux citoyens de savoir, au moment du vote, quels seront les élus qui
siègeront au Conseil communautaire sans avoir besoin d'un scrutin distinct de
l'élection municipale.
Enfin, la troisième situation qu'il convient de corriger, c'est le cumul des
mandats. C'est une demande forte des français de le limiter. C'est un engagement
que j'ai pris devant eux. La commission présidée par Lionel JOSPIN sur la
rénovation de la vie politique et de la vie publique me remettra ses conclusions
au début du mois de novembre. Là encore, le gouvernement engagera une
concertation avec les élus et les partis et un texte sera présenté au Parlement
au printemps 2013. Ce sera, si la loi est votée, un facteur de renouvellement et
de modernisation.
Chacun doit bien comprendre que, si nous allons dans ce sens, il faudra tirer
une autre conclusion : c'est parce que l'exercice d'un mandat est une tâche
noble, exigeante, que les élus doivent avoir les moyens d'exercer sereinement
leurs missions. C'est le sens du statut de l'élu. La limitation du cumul des
mandats, la fin du cumul des mandats, sera aussi la meilleure manière de
justifier le statut de l'élu. J'estime que c'est une condition indispensable
pour faciliter l'accès des salariés du privé, des jeunes, aux responsabilités
locales. J'assume le renforcement des droits sociaux des élus et les moyens qui
doivent leur permettre de concilier la vie professionnelle et l'exercice d'un
mandat. Le risque, sinon, c'est l'affaiblissement de notre démocratie locale et
l'appauvrissement, s'il en était encore besoin, de la diversité de la
représentation du pays.
Je veux terminer sur la question qui est dans tous les esprits : celle des
ressources des collectivités. Une nouvelle étape de décentralisation, une
nouvelle organisation territoriale, une clarification des compétences, une
démocratie plus vivante exigent aussi un cadre financier
renouvelé entre l'Etat et les collectivités. J'appelle à la conclusion
d'un pacte de confiance et de responsabilité pour les cinq prochaines années
entre l'Etat et les collectivités territoriales. Les principes en seront fixés
au sein du Haut Conseil des Territoires, dès le début de la discussion du projet
de loi sur la décentralisation, pour que le Parlement puisse délibérer en toute
connaissance de cause.
Mais je ne vous dissimulerai pas la réalité. Chacun connait le contexte dans
lequel s'inscrit l'élaboration de ce pacte. La priorité du gouvernement de
Jean-Marc AYRAULT, c'est le redressement des comptes publics.
Ce n'est pas simplement pour satisfaire à une obligation européenne. Ce n'est
pas pour respecter des engagements qui auraient été pris avant nous. C'est parce
que c'est nécessaire si nous voulons désendetter notre pays, préserver notre
souveraineté des marchés financiers et retrouver des marges de manœuvre.
Ce redressement des comptes publics va également de pair avec le redressement
productif, parce qu'il doit nous permettre aussi de laisser les entreprises se
financer à des taux d'intérêt les plus bas possibles, à l'emploi d'être la seule
priorité qui convienne dans les budgets avec l'éducation. Et donc de faire que
nous puissions, dans un horizon qui ne peut pas être trop lointain --j'ai dit
deux ans- mettre notre pays en situation d'affronter la compétition mondiale,
mais aussi de tenir son rang, sa place.
Je sais que des efforts seront demandés à tous, et donc aux collectivités
locales aussi. Vous me direz, elles, elles ont l'obligation d'équilibrer leur
budget de fonctionnement et, lorsqu'elles empruntent, ce n'est que pour financer
l'investissement. Elles n'ont pas eu besoin d'une règle d'or ou d'un traité pour
savoir ce qu'elles avaient à faire. La dette des collectivités locales, par
rapport à la richesse nationale, est restée stable ces dernières années. Il ne
pouvait pas d'ailleurs en être autrement puisque les collectivités n'empruntent
que pour l'investissement. Il reste que les collectivités représentent 20% du
total des dépenses publiques de notre pays et ces charges n'ont cessé
d'augmenter à un rythme d'environ 3,1 %, c'est-à-dire supérieur à celui de la
richesse nationale.
La restauration de nos équilibres financiers appelle donc une contribution de
tous les acteurs publics. Cela vaut pour l'Etat, cela vaut aussi pour les
collectivités.
Nous aurons donc une discussion ouverte, sereine, respectueuse, sur les
concours financiers de l'Etat, sur la maîtrise des dépenses publiques, mais
aussi sur le chantier de la réforme fiscale locale, c'est-à-dire de l'adaptation
de la fiscalité locale aux réalités des collectivités.
Deux principes, là encore, doivent nous guider.
La simplification. L'impôt local est sans doute celui qui est regardé comme
le plus injuste et le plus archaïque quand il y a encore pour des collectivités
la possibilité de lever l'impôt.
Le second principe c'est de créer une fiscalité qui soit compatible avec la
dynamique des dépenses de façon qu'aucune collectivité ne puisse se trouver
dépassée par les compétences qu'elle a à mettre en œuvre.
Les régions doivent retrouver une part d'autonomie fiscale. Je connais aussi
les difficultés des départements, pris en tenaille entre les dépenses qui
augmentent régulièrement -- la dépendance, le handicap et le RSA
surtout dans cette période -- et des recettes qui stagnent ou diminuent. C'est
pourquoi un « paquet financier » sera mis en place pour 2013 et il conviendra,
au-delà de ces mesures ponctuelles ou d'urgence, de trouver un mode de
financement pérenne pour la dépendance et pour la prise en charge de la
solidarité. Ce sera une réforme tellement promise, tellement attendue ! Un
moment, elle viendra, ce sera l'année prochaine.
Enfin, il importe de garantir l'accès au crédit des collectivités locales qui
sont, de plus en plus, plongées dans l'incertitude.
Après la faillite de Dexia, l'Etat a décidé de mobiliser les moyens de la
Caisse des dépôts, mais aussi de la Banque postale. Un nouvel outil financier
appuyé sur cette banque verra le jour à l'issue des négociations avec la
Commission européenne. Je veillerai, avec le gouvernement, à ce qu'il n'y ait
aucune rupture dans le financement des investissements et la trésorerie des
collectivités locales. J'ajoute que nous examinerons les moyens de venir en aide
aux collectivités qui subissent les conséquences d'offres d'emprunts toxiques
qui les mettent aujourd'hui sous la menace de ne pas pouvoir les rembourser.
Mais ces réformes ne sont concevables que si, dans le même temps, nous
renforçons la péréquation financière. La péréquation financière, c'est-à-dire
celle que l'Etat peut organiser, pour lui-même, pour ses dotations, pour ses
concours aux collectivités, en faveur des territoires les plus fragiles, aussi
bien dans les quartiers urbains que dans les zones rurales.
Mais le courage,
aussi, c'est d'évoquer une autre péréquation entre les collectivités, celles
regardées comme plus riches et d'autres plus fragiles. Cette péréquation est
déjà à l'œuvre pour 2013. Elle sera élargie et adaptée dans le cadre du pacte de
confiance et de responsabilité qui sera signé, je l'espère, entre l'Etat et les
collectivités.
Mesdames, Messieurs les élus, convoqué devant vous pour ces Etats généraux,
j'ai voulu venir avec des propositions. C'était plus sage.
Elles ne répondront pas à toutes vos attentes, parce que mon rôle n'est pas
de répondre à toutes les sollicitations, parce que ce que fait le gouvernement
n'est pas de satisfaire toutes les demandes. Comment le pourrait-il ? Parce que
ce que nous avons à faire, ce n'est pas de régler pour une circonstance, pour un
budget, les problèmes du pays. C'est de trouver les solutions sur plusieurs
années, permettant de reprendre confiance en nous-même, de retrouver de
l'ardeur, de nous donner aussi les moyens d'espérer. Parce que nous le savons,
la croissance est faible, quand elle n'est pas nulle, et ça dure depuis
maintenant près d'un an. Nous ne pouvons pas simplement dire : attendons, nous
verrons bien, ça reviendra. Non, nous devons préparer tout de suite les moyens
de retrouver croissance et dynamique économique. C'est pourquoi ce que vous
faites aujourd'hui n'est pas un exercice parallèle, il ne vient pas à côté, il
est dans le sujet. Si nous arrivons, et j'en remercie le Sénat et son président,
à nourrir des réflexions qui sont autant de moyens d'action pour la réussite de
notre pays, alors vous aurez lancé un grand mouvement à travers ces Etats
généraux
La décentralisation c'est une chance et non une position de principe. Elle
permet à l'Etat de se réformer, aux territoires de se mobiliser et aux citoyens
de s'impliquer.
J'ai été longtemps l'élu d'un département que l'on dit rural, même si
aujourd'hui dans tous les départements nous trouvons toutes les situations,
qu'il y a des technologies formidables qui sont dans des lieux qui jusqu'à
présent étaient considérés comme éloignés des centres de décision, que l'on
trouve dans des quartiers de nos villes des situations bien plus graves en terme
de désertification civique que ce que l'on peut trouver dans certains espaces
ruraux confrontés à la désertification humaine.
Donc il y a, au-delà de cette diversité, une solidarité. J'ai été l'élu d'un
département. Je crois à cette France des territoires. Notre République, je l'ai
dit, elle est une, elle est indivisible, elle est en même temps diverse. Nous
savons que nous voulons vivre dans le même espace avec les mêmes valeurs, les
mêmes libertés, les mêmes principes. C'est ce qui nous unit. Mais nous savons
aussi que nous appartenons à des territoires, nous vivons dans des lieux, des
paysages, qui font que nous sommes aussi soucieux de notre propre identité.
Cette diversité géographique, économique, humaine est également un atout.
Nous sommes devant un grand défi, Mesdames et Messieurs les élus, que
j'entends partout posé par nos concitoyens.
Quelle est et quelle sera la place de la France dans la mondialisation ?
Est-ce que nous pouvons encore avoir un rang ? Est-ce que nous pouvons
déterminer nous-même notre destin ? Est-ce que nous avons la capacité de nourrir
un projet qui peut donner du sens à l'action que nous engageons ? La place de la
France ! Voilà la grande question pour le président de la République qui doit
donner la direction et le cap et pour vous aussi. Nous devons ensemble faire que
la France soit au meilleur niveau et nous pouvons tous y contribuer.
Et la seconde question qui est posée par nos concitoyens : quelle est leur
place, individus, acteurs économiques, salariés, retraités, jeunes ? Quelle est
la place de chacun dans cette France que nous préparons ensemble ? Est-ce que
nous pourrons vivre encore ensemble avec nos libertés, nos principes, nos
valeurs ? Cette question-là aussi elle vous est posée.
L'enjeu, c'est de nous mobiliser, préparer la mutation, la transition, créer
des emplois, inventer un nouveau modèle de développement. Voilà ce que nous
avons à mener, collectivités locales et Etat. L'enjeu, c'est d'utiliser toutes
nos identités, toute notre diversité pour les unir dans un destin commun.
C'est le rôle de l'Etat que d'ouvrir cette perspective, mais je vous
l'annonce, il n'y réussira pas seul. Il a besoin de vous ; vous, élus de la
République, vous, territoires de France, vous, parlementaires conscients du bien
commun. C'est pourquoi vos Etats généraux préparent, j'en suis sûr, la
République de demain.