Le "président qui veut changer l'Europe" annonce qu'il renégociera les traités européens. Exactement ce que l'UMP reproche à François Hollande depuis quatre mois...
Mais déception sur le fond. Quoique bien maîtrisé, le discours de Villepinte ne saurait avoir l'importance stratégique qu'avait revêtu la longue adresse prononcée en janvier 2007. A l'époque, Nicolas Sarkozy avait surpris en mêlant lyrisme et confession personnelle, transgressions idéologiques et envolées historiques. Il avait surtout séduit l'électorat populaire en empruntant à la gauche une partie de ses références, tout en trouvant d'heureuses formules pour toucher au coeur la droite profonde. Mise sur les rails par cette performance oratoire, sa campagne avait décollé en laissant sur place des rivaux condamnés à jouer les seconds rôles.
Remettre en cause Schengen ?
Cette fois, les mêmes recettes sont convoquées. Nicolas Sarkozy vise la "France du non", cette France inquiète qui rejette les élites, se méfie des étrangers, tient l'Europe en suspiscion et penche de plus en plus vers Marine Le Pen. Tel est le sens du nouveau slogan qui pourrait dominer la campagne du candidat sortant : devenir "le président qui change l'Europe".
Remise en cause du traité de Schengen sur la libre circulation des personnes, introduction d'un protectionnisme européen, proposition d'un "buy european act" (acheter européen) qui serait le pendant du "buy american act" promulgué par Franklin Roosevelt en 1933 et toujours en vigueur. Nicolas Sarkozy cherche la synthèse entre son engagement européen et la sensibilité majoritaire qui s'est exprimée lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005. Pourquoi pas ?
Beaucoup s'accordent à penser aujourd'hui que le libre-échange est allé trop loin et qu'un certain rétablissement des protections commerciales serait favorable à l'économie française. François Hollande plaide lui aussi pour la fin d'une certaine naïveté commerciale en Europe ; pendant les primaires socialistes, Arnaud Montebourg s'était taillé un joli succès en plaidant le premier pour un protectionnisme européen. La fondation Jean Jaurès, orientée à gauche, a elle-même avancé l'idée d'un "buy european act".
Les critiques faites à Hollande s'appliquent à Sarkozy
Encore faut-il convaincre l'opinion de la sincérité de ce choix. C'est là que les difficultés commencent. Depuis quatre mois, en effet, la droite tire à boulets rouges sur la politique européenne de François Hollande. Pour quel crime ? Avoir annoncé qu'il renégocierait le traité européen sur la politique financière que les pays de l'Union viennent d'élaborer sous la houlette d'Angela Merkel. Pour avoir demandé qu'on complète un texte entièrement consacré à la rigueur par un volet de soutien à la croissance, le candidat socialiste a été présenté comme un irresponsable, qui renie la politique de la France et qui méconnaît totalement le rapport de force réel dans une Europe presque unanimement dédiée à l'orthodoxie budgétaire.
Et voilà que Nicolas Sarkozy se propose de renégocier, non pas un texte en cours d'adoption, qui doit encore être ratifié par les Parlements du continent, mais des traités anciens, qui ont force de loi depuis des années et qu'aucun partenaire de la France ne souhaite modifier en quoi que ce soit. Autrement dit, les critiques adressées par l'UMP à François Hollande s'appliquent tout autant, et même beaucoup plus, aux propositions de Nicolas Sarkozy à Villepinte : irresponsables, désinvoltes, indifférentes aux véritables rapports de force en Europe.
Une telle contradiction sera difficile à lever. Peut-on faire campagne pendant quatre mois sur le sérieux européen, pour proposer tout à coup de renverser la table de l'Union ? En menaçant même, si nos partenaires étaient réticents, d'appliquer les nouvelles dispositions de manière unilatérale ? Ce qui nous renvoie au handicap fondamental de la campagne Sarkozy : ce n'est pas tant qu'on rejette son programme ; c'est qu'on ne croit pas celui qui le propose. La volte-face de Villepinte risque d'ajouter à la confusion...
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