« Cher Nicolas Sarkozy,
Dans une interview publiée par Le Figaro magazine sous le titre “ Mes valeurs pour la France ”, vous avez récemment placé le thème de l'immigration au cœur de votre campagne électorale et désigné la prochaine cible de votre politique de réduction de l'immigration légale : les étrangers mariés à des citoyens français.
Vous proposez en effet de soumettre l'entrée et le séjour en France des étrangers qui ont épousé un(e) ressortissant(e) français(e) à des conditions de logement et de ressources stables et suffisantes. Les citoyens français ayant des revenus faibles ou instables, ceux qui sont employés en contrat précaire, ceux qui touchent une petite retraite, ceux qui décident de vivre dans une certaine précarité pour poursuivre des études prolongées ou reprendre une formation professionnelle n'auraient donc plus le droit de mener leur vie familiale en France auprès de leur conjoint étranger !
Conditionner le respect des droits fondamentaux de vos concitoyens à leur niveau de revenu... vous avez manifestement, monsieur le Président, une étrange conception de l'égalité républicaine.
Les pauvres, plus fraudeurs que les riches ?
A cette proposition inacceptable, vous ajoutez l'indécence d'une justification fumeuse... Vous affirmez en effet qu'en imposant des conditions de logement et de ressources pour autoriser le séjour des couples franco-étrangers en France, “ nous combattrons plus efficacement la fraude ” au mariage... Mais en quoi la taille de l'appartement d'un conjoint ou sa richesse seraient-elles des indicateurs de fraudes ? Les pauvres seraient-ils plus fraudeurs que les riches ?
Nous ne sommes pas dupes monsieur le Président. Depuis des années, les conjoints de Français sont une cible de votre politique de lutte contre “ l'immigration subie ” car ils représentent une part relativement importante de l'immigration familiale que vous voulez réduire à tout prix.
Et la lutte contre les mariages de complaisance, phénomène au demeurant marginal, est un prétexte idéal pour légitimer le durcissement continu du cadre légal. Elle permet de donner à ce durcissement un objectif consensuel – rares sont ceux qui défendent l'idée que les mariages blancs ne devraient pas être combattus – qui permet de passer sous silence la politique de remise en cause plus profonde du droit de vivre en famille des couples franco-étrangers.
En application des lois que vous avez fait voter, la France expulse régulièrement des étrangers mariés à des Français, ou sur le point de le faire, alors qu'aucune fraude ne leur est reprochée ; d'autres, titulaires d'un titre de séjour d'un an sont maintenus dans une situation administrative précaire les empêchant de contracter un prêt, d'obtenir un CDI ou d'acheter un logement ; certains, mariés depuis plus de trois ans, ne sont pourtant toujours pas régularisés…
Certains devront renoncer à l'amour
Si votre proposition est adoptée, monsieur le Président, certains Français se verront obligés de quitter leur propre pays pour vivre avec la personne qu'ils ont choisie, certains autres devront renoncer à leur histoire d'amour, enfin les plus courageux et tenaces attendront de longues années avant de pouvoir satisfaire à vos exigences ou feront entrer leur conjoint étranger de façon irrégulière.
Comme le montre une nouvelle fois votre proposition, monsieur le Président, nos conjoints l'ont bien compris, ils font partie de cette immigration que vous qualifiez de “ subie ” pour bien signifier qu'il aurait été préférable qu'ils ne soient pas là.
Quant à nous, citoyens français qui nous sommes unis à des étrangers, nous comprenons bien que nous sommes pour vous des “ ennemis de l'intérieur ”, une faille dans votre politique de réduction de l'immigration, faille que vous cherchez à colmater aujourd'hui avec des conditions de logement et de ressources... et demain avec quoi ? »
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