Discours du président malien, 
Dioncounda Traoré, devant la tribune de l’Union Africaine à Addis 
Abeba
«… Et parce que la peur a changé de camp, voici que des voix crient à la 
croisade contre l’Islam. Voici qu’elles ramènent notre combat pour la liberté, 
la dignité et la paix à une guerre par procuration de l’Occident contre des 
musulmans sans défense. 
Qu’on nous dise pourquoi personne n’a entendu ces voix, au moment où le Mali, 
pays musulman à 95%, avait besoin de la compassion et de la solidarité de ses 
frères en Islam ? Qu’on nous dise où étaient les donneurs de leçon qui n’ont pas 
entendu les sanglots de la petite Aicha violée, comme beaucoup d’autres, sous la 
menace des armes ? 
Qu’on nous dise où étaient ces donneurs de leçons le jour où un couple 
victime d’une justice inique et expéditive était lapidé à mort soit disant pour 
adultère ? 
Où étaient donc ces voix lorsqu’à Aguel Hock des soldats de l’armée régulière 
malienne étaient égorgés par dizaines voici un an ? 
Qu’on nous dise, comme l’ont rappelé les oulémas de notre pays dans une belle 
unanimité, où étaient ces donneurs de leçons, quand par milliers, les Maliens 
étaient jetés sur les routes de l’exil et de la privation de la misère et de la 
désolation ? 
Où étaient– ils ceux qui crient aujourd’hui à l’holocauste quand les 
conquérants, de leur justice humiliante et mutilante, coupaient les bras de 
notre jeunesse, détruisaient les écrans de télé, écrasaient les écouteurs de 
téléphone et décrétaient que le football était haram ? 
Qu’on n’ajoute pas de grâce l’injure à la blessure ! 
Le Mali ne mérite pas un tel mépris car il a vécu le joug terroriste dans sa 
chair, dans son âme, dans le viol de sa conscience et de ses femmes. 
Le Mali ne mérite pas ce mépris, parce que comme toutes les sociétés de 
culture, c’est un pays de tolérance, d’humilité et de paix. Nous ne sommes pas 
en guerre contre l’Islam. Nous sommes en guerre contre le terrorisme, qui 
prospère de la vente d’otages innocents et des ristournes de la drogue. Nous 
sommes en guerre pour notre existence. Nous sommes en guerre contre 
l’obscurantisme. Nous sommes en guerre contre un projet d’arriération imposé à 
une terre qui est un creuset de civilisation. 
Au contraire, le plus grand tort à l’Islam, ce sont nos agresseurs qui l’ont 
causé, semant le doute dans l’esprit de ceux qui sont nés dans l’Islam, dont les 
pères sont nés dans l’Islam et qui, pendant des générations successives, ont été 
pétris aux valeurs, aux vraies valeurs de l’Islam. Car les caveaux de saints 
démolis à Tombouctou l’ont été au nom de l’Islam ! Car les coups de cravache 
donnés à Gao l’ont été au nom de l’Islam ! Car les couples lapidés à Kidal l’ont 
été au nom de l’Islam ! De quel Islam s’agit t-il ? 
En tout cas, pas celui du prophète Mohamed qui n’a 
jamais converti par la force, qui n’a jamais humilié son prochain, qui n’a 
jamais rendu veuve, orphelin ou handicapé au nom de la seule loi du plus 
fort. 
Non, l’alliance entre la mauvaise foi et les barres de cocaïne ne saurait 
être l’Islam, ne saurait être notre Islam. Notre Islam à nous continuera d’être 
le respect de l’être humain et de sa dignité, la protection du voisin, du faible 
et de l’orphelin, la promotion de la paix et de la concorde, jamais le plaisir 
de verser le sang. 
L’ethnicisation du faux jihad, les stratégies de constitution des réseaux 
dormants du terrorisme dans les villes, et il faut le déplorer, l’amalgame et le 
délit de faciès, peuvent donner lieu à des exactions et des règlements de 
compte. Le Gouvernement du Mali ne tolérera les exactions et les amalgames. Du 
reste, il a ordonné une enquête dont nous tirerons toutes les implications. 
La dignité du soldat et l’honneur de notre armée commandent qu’ils soient les 
premiers à suivre scrupuleusement les prescriptions de l’Etat de droit que nous 
avons pour ambition de bâtir. 
Et nous savons que chaque traitement extrajudiciaire des cas de collaboration 
présumée des populations locales avec les terroristes fait l’affaire de ces 
derniers. 
C’est pourquoi, le Gouvernement du Mali, prenant au sérieux ces risques et 
soucieux de ne pas compliquer davantage la résolution d’une crise qui menace les 
fondements de la nation, n’a de cesse de mettre et l’armée et les groupes diffus 
contre toute atteinte aux droits humains. 
Et comme le prévoit la Feuille de route adoptée par le Gouvernement le 25 
janvier et présentée au Parlement, de vastes campagnes seront menées dans le 
sens de l’apaisement. 
L’armée sera systématiquement et continuellement formée au respect du droit 
humanitaire et des droits constitutionnel des citoyens parce que nous la voulons 
une armée républicaine. 
Bien entendu, nous restons déterminés à appliquer la loi à tout soldat malien 
contrevenant aux principes de la République. 
Nous en appelons naturellement à la prudence et au bon sens de tous. Car le 
contexte est favorable à la désinformation et au sensationnel. Les forces du mal 
n’ayant plus d’autre possibilité que d’opposer les opinions publiques aux forces 
de libération. 
Si malgré nous, le temps est à la guerre, nous préparons activement la paix. 
Notre main reste tendue à ceux qui réalisent qu’il est encore temps de faire 
amende honorable, malgré tout le tort qui a été porté à notre pays, à notre sous 
région et à notre région. Mais le dialogue inter-malien n’aura vocation ni à 
confesser ni à charger. 
Pour la stabilité de notre pays et la dignité de ses enfants, nous ne 
saurions donner de traitement préférentiel à aucune ethnie en particulier ni 
stigmatiser de groupes spécifiques. 
Qu’on nous fasse seulement confiance, car les Maliens sont les premiers à 
comprendre jusqu’où la réconciliation est impérative pour la survie de chacune 
de leurs communautés et de l’ensemble national, sans distinction d’ethnie. 
Du dialogue inter-malien dont les animateurs sont en train d’être repérés 
pour leur sagesse et leur lucidité, il est attendu tout simplement qu’il mène 
les Maliens, sans distinction d’ethnie, de sexe, d’âge et de religion vers le 
même but et la même foi. 
Cet important dispositif permettra de recueillir et de partager les 
enseignements de la grave crise que nous avons connue pour que nos cités soit 
mieux administrées, notre démocratie et notre capital social mieux 
consolidés. 
Ce pays reviendra parmi vous, jouant pleinement son rôle dans l’intégration 
africaine. Il était là en 1963 comme une jeune nation forte de ses promesses et 
de ses espérances. Il sera là avec vous en 2013 en tant que nation reconstituée 
pour fêter le 50è anniversaire de l’organisation continentale. 
C’est cela notre mission historique en tant que Président et Gouvernement de 
Transition. Et pour la mener à bien, nous avons encore besoin de votre 
solidarité, de vos conseils et de votre accompagnement. Mais le Sahel a prouvé 
sa grande vulnérabilité par sa pauvreté qui fait d’elle la proie facile du crime 
organisé. 
Nous ne couperons définitivement la tête des barons de la drogue, des 
terroristes doctrinaires autoproclamés de l’Islam qu’en concédant un 
investissement sans précédent pour le développement de cette zone grise 
aujourd’hui mais avec tout le potentiel pour être demain un havre de paix et de 
prospérité.
A cet égard, tous les pays du Sahel, ceux qui connaissent aujourd’hui les 
tourments comme ceux qui en sont épargnés, sont logés à la même enseigne.Car 
jamais les vases n’ont autant communiqué que dans cette partie du monde. 
La paix dans le monde est tributaire de la paix dans le Sahel qui crie son 
besoin de Plan Marshall pour que le binôme Paix et Développement produise les 
fruits attendus et protège le reste du monde des graves menaces que cette zone 
peut entraîner pour tous. 
Ce cri n’est pas le premier. Puisse t-il être le dernier et être entendu ! 
»
 
 

