Discours de François Hollande - RIO+20 - Conférence des Nations Unies sur le développement durable
Je tenais personnellement à venir ici pour cette conférence, au nom de
la France. D'abord par ce que c'est un enjeu décisif pour la planète et que la
France doit être l'une des nations qui montrent l'exemple.
Je voulais aussi, ici, prendre des engagements pour mon pays, tout en
favorisant autant qu'il a été possible la discussion et la négociation dans la
déclaration finale.
Je voulais aussi tenir un langage de vérité et de volonté. Vérité d'abord sur
les résultats, tels que nous pouvons les imaginer aujourd'hui, de notre
conférence.
Il y a eu des avancées.
J'en vois cinq : d'abord une feuille de route pour
les objectifs du développement durable. Ensuite un renforcement de ce Programme
auquel nous tenons tant des Nations Unies pour l'environnement. Il y a eu un
appel à travailler à un accord sur la préservation des océans. Un débat s'est
engagé sur l'économie verte. Et il y a eu un accent qui a été mis sur le social
et sur la lutte contre la pauvreté. Ce sont des résultats appréciables !
Ils tiennent pour beaucoup à la capacité qui a été la nôtre de trouver des
compromis mais aussi à la mobilisation de la société civile que je salue. Sans
elle, nous n'aurions pas la prise de conscience que nous connaissons
aujourd'hui. Et la stimulation, l'incitation pour aller plus loin.
Mais puisque je suis venu tenir un langage de vérité, je dois vous dire que
ces résultats, aussi appréciables soient-ils, sont en dessous de nos
responsabilités et de nos attentes.
Je regrette d'abord que nous n'ayons pas abouti à la création d'une Agence
spécialisée des Nations Unies sur l'environnement. C'est un projet auquel la
France est très attachée. Parce que c'est la condition du multilatéralisme,
parce que c'est la meilleure façon de pouvoir mettre tous les sujets dans la
même organisation et de les traiter en même temps et dans le même lieu, et enfin
parce que cette agence pourrait se situer à Nairobi, en Afrique, et l'Afrique
doit avoir la confirmation de son rôle dans le monde.
Je regrette également que la proposition d'instaurer des financements
innovants, même si le communiqué final en fait mention, n'ait pas trouvé de
traduction concrète. Ces financements sont indispensables. Chacun connait ici la
situation budgétaire de bon nombre de nos pays et notamment parmi les plus
développés. Et donc si nous n'ajoutons pas des financements aux aides qui sont
aujourd'hui prévues, nous ne pourrons pas atteindre les objectifs que nous nous
sommes fixés. La France reste donc déterminée à instituer avec les Etats qui le
voudront, avec les Européens, avec d'autres, une taxe sur les transactions
financières.
Et je prends l'engagement que si cette taxe est créée, une partie de ces
revenus sera affectée au développement.
Langage de vérité parce que les urgences sont là, parce que les émissions de
gaz à effet de serre n'ont cessé d'augmenter jusqu'à atteindre en 2011 un record
; parce que les océans se sont acidifiés et appauvris ; parce que la
biodiversité s'est effondrée ; parce que l'urbanisation progresse partout et
parfois réduit à la misère des millions d'hommes et de femmes qui s'entassent
aux portes des grandes villes ; parce que les inégalités se sont creusées dans
les pays riches, mais aussi entre les pays développés et les autres. Donc nous
avons besoin d'un sursaut, ici à Rio nous en avons pris conscience.
Mais nous avons une nouvelle frontière à franchir.
Il y a d'abord des
changements à conduire pour permettre l'accès de tous à l'eau, à l'énergie et je
salue le programme qui a été mené pour atteindre cet objectif, parce que nous
devons assurer la sécurité alimentaire, parce que nous devons éviter que les
terres arables, les terres cultivables disparaissent progressivement ou soient
achetées au détriment de l'indépendance alimentaire, parce que nous devons
conduire la transition énergétique, diversifier les sources d'énergie. Voilà
l'agenda qui doit être le nôtre.
Par rapport à cette grande cause, prenons plusieurs engagements.
D'abord, personne ne peut gagner seul contre les autres la grande bataille
pour l'environnement. Ou nous la gagnons ensemble, ou nous la perdrons ensemble.
Le second engagement, c'est de ne pas opposer le nord et le sud, non pas que
nous n'ayons pas sur certains sujets des positions différentes, mais le
développement durable, c'est une cause planétaire, c'est une question vitale
pour le monde entier et il n'y a pas les uns contre les autres, il y a tous
ensemble.
Et puis le dernier engagement, c'est de considérer que dans la crise que nous
traversons, il n'y a pas que la crise financière, il n'y a pas que la crise
économique, il y a aussi la crise écologique. Et pour sortir de la crise, nous
avons besoin de plus de priorités données à l'environnement et au développement.
Nous lutterons contre la crise avec tous les moyens de la régulation.
Enfin, le développement durable n'est pas une contrainte. C'est un levier.
Ce
n'est pas non plus un outil de protection pour les plus favorisés contre les
autres mais de promotion d'une conception de l'humanité.
Voilà pourquoi, je voulais venir ici à Rio, vous donner la position de la
France, les engagements de la France, la conception de la France. Je viens de
prendre les responsabilités de mon pays.
Je suis au début de mon mandat.
J'inscris le développement, l'environnement, la lutte contre la pauvreté comme
grandes priorités de mon quinquennat.
Pour un responsable public, et nous le sommes tous à des niveaux différents
ici, il y a plusieurs façons d'être utile. Etre utile, ce n'est pas simplement
servir les intérêts de son pays, ce n'est pas simplement porter les
préoccupations de son continent, ce n'est pas non plus défendre seulement le
présent, l'urgent, l'immédiat. Etre un responsable public utile, c'est d'être
capable de parler au nom de la planète et de préparer l'avenir.
Nous sommes tous conscients ici, et je ne vous apprendrai rien, que nous
sommes mortels mais notre dignité d'hommes et de femmes, notre condition d'être
humain, c'est de permettre à d'autres de vivre après nous et mieux que nous. Tel
est le sens de ma présence ici.
Merci.
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