A Argenteuil, l'identité nationale fait mal
Pour nombre d'habitants d'Argenteuil, ville populaire de la banlieue parisienne, le débat sur l'identité nationale lancé par le gouvernement français suscite autant de trouble et d'incompréhension que dans la classe politique.
Un malaise palpable mercredi soir lors d'un débat avec Yazid Sabeg, commissaire à la Diversité et à l'Egalité des chances, organisé par le collectif Banlieues Respect sur la "dalle" d'Argenteuil, là où Nicolas Sarkozy parla de "racaille" en 2005.
Un épisode célèbre que la ville tente d'effacer.
"Argenteuil n'est pas un théâtre où l'on vient faire de la communication politique", a dit à Reuters le maire socialiste de la ville, Philippe Doucet. "Ce n'est pas une banlieue, c'est une ville, avec une histoire".
Face à une centaine de personnes venues les écouter, Yazid Sabeg et Philippe Doucet ont pu constater le trouble provoqué par le débat sur l'identité nationale lancé par le ministre de l'Immigration, Eric Besson, dans cette ville de 104.000 âmes où se côtoient une cinquantaine de nationalités.
"Comment expliquer à mes enfants qu'en plus d'être nés ici, d'avoir été à l'école de la République, ils doivent justifier qu'ils sont Français et plus Français que les autres ?", a demandé au micro une mère de quatre enfants, Jemaa Oubella.
"Qu'est-ce que la diversité dans le contexte du débat sur l'identité nationale, qui se fixe uniquement sur le fait musulman ?", s'est interrogé un homme.
VALEURS DE LA RÉPUBLIQUE
"Expliquez-nous ce qu'est une minorité visible parce que moi, je me sens d'abord citoyen", a souligné un autre.
Ce à quoi Yazid Sabeg a tenté de répondre de façon intime : "Je suis comme vous, je suis ce que je suis, je souffre aussi pour moi-même et pour mes enfants".
Pour le commissaire d'origine algérienne, "revisiter notre identité est pertinent et utile pour traiter les vrais sujets : comment la France se projette dans le futur avec le peuplement qui est le sien. Ce n'est pas un débat qui peut se construire contre la communauté musulmane".
Des propos plus mesurés que ceux parus dans le Journal du dimanche, où il déplorait un débat "devenu un déversoir et un défouloir" qui "échappe à tout contrôle, peut aggraver les fractures".
Philippe Doucet a jugé pertinente la définition du député UMP Jean-François Copé selon laquelle "être Français, c'est avoir la nationalité française".
"Quand un enfant est né d'un couple kabyle-portugais, il est quoi ? Au bout de combien de temps on n'est plus issu de l'immigration ? On doit sortir de ça", a souligné l'édile. "Il faut rappeler les valeurs de la République".
Pour Yazid Sabeg, une définition simple ne saurait suffire.
"Même ceux qui ont une carte d'identité française disent ne pas se sentir Français car ils se sentent citoyens de seconde zone", a-t-il fait remarquer.
FAUX DÉBAT ?
Dans la salle, certains ont dénoncé un "faux débat".
"Ca fait remonter des peurs, ça perturbe les enfants. Mon fils de 10 ans me dit 'Maman, je suis Français, arabe ou Marocain ?'", a raconté à Reuters Fatima Chamboun. Cette mère de 42 ans a donné à ses enfants "des prénoms neutres pour qu'ils n'aient pas les problèmes que j'ai rencontrés".
Quand on demande à Faraid Aouda s'il se sent Français, le chef d'entreprise répond : "Légalement je le suis, physiquement je ne le suis pas, intérieurement je suis entre deux eaux, entre les cultures française et musulmane".
Malek Scalbert,14 ans, de père français et de mère algérienne, baisse les yeux et semble en colère.
"Je suis né ici, j'ai des origines, j'en suis fier et je suis outré qu'on vienne me demander 'Te sens-tu bien ici ?' ou 'Comment fais-tu pour vivre en France ?'. Je suis comme tous les citoyens, je n'ai pas à me justifier", dit-il.
Pour beaucoup, les problèmes d'identité renvoient aux questions de chômage, d'école, de logement, de rapports entre les jeunes et la police.
"Quand on porte le foulard et qu'on veut travailler, on ne nous accepte pas, même en étant Française", témoigne une musulmane convertie. "La vie est difficile. On a besoin d'être rassurés pour nos enfants".
1 commentaire:
Est-on un bon français quand on est issu de la minorité visible de Neuilly-sur-Seine ? Le Prince Jean n'a-t-il pas souffert de porter un patronyme exotique ? Ça lui a coûté une présidence, lui l'autodidacte méritant.
Ah ! on n'en a pas fini avec les soucis d'intégration des bretons, des alsaciens et surtout des auvergnats avec qui on a des problèmes dès qu'ils sont plusieurs.
Enregistrer un commentaire